Deux garçons : Romain et Paul. Ils sont engagés dans une activité quelconque et répétitive comme faire de l’aviron ou la vaisselle, éplucher les carottes ou écosser les petits pois. Toute leur concentration est dans leur conversation. Romain ouvre le bal :
- Toutes les femmes sont menteuses.
- Et alors ?
- Je n’ai même plus envie d’y aller ce soir. Ca me casse déjà les burnes. Devoir lui servir le plat, faire le beau, lui balancer la sauce, roucouler et parader, toute cette histoire, la jouer mâle, moi, je n’en peux plus. Ca me fatigue d’avance.
- Pardon mais je ne vois pas le rapport avec ton premier énoncé…
- Ah oui ? Eh bien, laisse-moi t’expliquer. Tout ce préliminaire inutile, les femmes s’en battent autant les couilles. Ce n’est pas là-dessus qu’elles te jugent mais au pieu, voilà tout. Seulement elles sont plus hypocrites ou malignes, comme tu préfères. Alors, elles exigent des marques civilisées de ta part, elles jaugent ton éducation. Toute la question est de savoir si tu es capable de contenir ton désir et ton impatience.
- Toi, tu ressembles à un gars qui a rendez-vous ce soir et… qui a les chequottes à fond !
- Non, ce n’est pas ça. Elle me plaît mais j’aimerais me défiler. M’épargner d’office toutes ces questions : est-ce qu’on couchera ensemble ? La traiterai-je de cochonne ? Sera-t-elle déçue ou attendra-t-elle fébrilement mon prochain appel en se souvenant avec émotion de mon halètement pendant l’amour ? Je voudrais juste m’éviter tout ça, tu vois : le début, la fin, la suite et de nouveau la fin, bis repetita et toujours l’éternel recommencement…
- Ok, dans ce cas, tu as deux options. La première lui demandait illico si elle baise. L’attaque est frontale et audacieuse. Si la demoiselle a suffisamment de second degré, elle peut même séduire. Et merde, je me suis blessé !
- Où ?
- Là, aux doigts !
- Montre-moi.
Romain suce les doigts de Paul, lentement, sensuellement, pornographiquement presque. Paul le regarde abasourdi. Romain dit enfin :
- Voilà, ce n’est rien.
- Mais t’es vraiment dégueulasse !
- Non, c’est une méthode pour te détourner de ta douleur. Te prendre de court. Faire disjoncter ton esprit sous un autre fusible pour qu’il en oublie les plombs pétés. Bon, et la deuxième option, c’était quoi ?
- Je ne sais plus, j’en ai perdu mes pédales. Et puis, tu as l’air mieux placé que moi pour manipuler les autres, non ?
- Paul !
- Je n’ai rien à t’apprendre. Et puis, tu veux que je te dise. Je m’en fous aussi et contre-fourre aussi. Vas-y et tu me raconteras ça demain. Moi, je me casse…
- Oh, la, la, qu’est-ce que tu peux être aussi briche-miche quand tu t’y mets !