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1974 : Crise de l’équipe de France de ski

Publié le 12 avril 2011 par Go11
Alain Lazard a fait un travail remarquable en chroniquant ce grand accident de parcours qui a profondément marqué l'histoire du ski français. La lecture de son « Livre Blanc » m'a rappelé des tas de souvenirs et a même ravivé des passions oubliées, mais maintenant dans un contexte beaucoup plus serein, presque quarante ans plus tard, je vois les choses un peu différemment. L'analyse minutieuse d'Alain m'a apprit une foule de détails fascinants qui m'avaient totalement échappés à l’époque et dont j'ignorais l'existence. Quand j'ai eu fini ma lecture, j'ai vu trois raisons générales à l'origine de tous ces bouleversements ...
1. Le ski est plus subtil que ce qu'en disait Joubert
Ce sport prend une vie entière à bien comprendre, et n'est pas juste assimilé simplement en observant des photos et en analysant la bio-mécanique des mouvements. Bien que sexagénaire, je continue de faire beaucoup de ski et d'en apprendre tout les jours sur cette activité que je crois pourtant bien connaitre.
L'essence du ski n'est pas visible et c'est un phénomène de communication continue entre la tête du skieur et les pieds, les élément du corps les plus éloignés. C'est bien ça : « l'intelligence des pieds » comme disait Jean-Claude Killy ; c'est du reste là que l'ENSA détenait une grande part de vérité avec son obsession sur le contrôle des carres et ses exercices frisant la schizophrénie comme les « dérapages en festons. »
Il se peut que l'institution chamoniarde ait été un peu trop dogmatique, mais quand j'ai testé certains élément de la méthode Joubert sur des élèves, celle-ci marchait plutôt moins bien, et en particulier avec des skieurs débutants. Par contre, Joubert était probablement 30 ans en avance sur son temps avec sa découverte et sa vulgarisation du « carving. » Grâce aux skis modernes et à une progression raccourcie, les participants bénéficient d'une courbe d'apprentissage en flèche, en particulier sur des pistes méticuleusement préparées, mais sont parfaitement incapables de skier « toutes-neiges, tous-terrains. »
C'est aussi lui qui en rebaptisant « avalement, » le jet-virage de l'ENSA, avait ainsi contribué à le populariser et beaucoup ont cru que la façon de skier à la Patrick Russel était la nouvelle panacée. Il convient aussi de reconnaître que Joubert a grandement contribué à vulgariser le ski à travers ses ouvrages abondamment illustrés ainsi qu'avec tous ses articles de magazine traitant de technique ou de tests de matériel.
Finalement, un élément important est que l'on doit vraiment aimer le ski, et pas seulement être intéressé ou obsédé par sa mécanique. Si Joubert avait vraiment aimé le sport, il ne l'aurait pas simplement réduit à une histoire un peu trop «  binaire, » et comme une activité facilement mesurable; l'essence du ski se trouve en fait dans les profondeurs de son ambiguïté.
2. Tous les torts ne peuvent pas être du même côté.
Les héritages respectifs de Portillo, Grenoble et Killy ont du peser lourd sur l'équipe de France de ski entre 1969 et 1973. Les attentes étaient astronomiques et les succès ne pouvait être reproduit au quotidien comme on fait des fournées de baguettes.
Les coureurs se sont-ils comportés parfois comme des prima donnas? C'est possible. Un bon esprit d'équipe doit naitre d'une collaboration constante et non d'une ambiance de contradiction permanente, et si le personnel d'encadrement n'est pas capable de mener, d'inspirer et de motiver ses athlètes, c'est qu'il n'est probablement pas si bon que ça. Il me semble que l'entraîneur doit être au service de ses coureurs, et non le contraire.
Il suffit de regarder la vie politique d'aujourd'hui en Belgique ou aux États-Unis pour voir comment des parties adverses peuvent être séparées par un mur d'incompréhension quand on laisse une situation s'envenimer et lorsque les opposants sont complètement polarisées. Il y a sur ce sujet des tords dans les deux camps, mais il me semble que les entraîneurs auraient du mieux jouer leur rôle « d'adultes. »
3. Le fossé entre citadins et montagnards en France
Cela pourrait bien être le plus gros problème dans cet affaire. Dans les Alpes françaises des années soixante et soixante-dix, les gens de la montagne et ceux de la ville ne voyaient pas toujours les choses de la même façon. Né et élevé dans petit village de montagne de Haute-Savoie par des parents « qui avaient toujours vécu là, » je comprends cela parfaitement.
J'aurais du mal à vivre hors des montagnes ; cela pourrait être dans les Alpes, les Rocheuses ou bien l'Himalaya, mais j'aurai toujours besoin de voir un certain relief autour de moi pour me sentir bien dans mon élément. Pour des raisons que je ne peux pas vraiment expliquer, je vois la montagne différemment que n'importe quelle autre personne née ailleurs, et peu y percevoir des détails qui leur échappent généralement. Ce n'est pas seulement les montagnes, mais le ciel, les nuages, la lumière et la neige.
Ma relation avec mon environnement est instinctive. Je suis capable de « sentir » les avalanches et tous autres dangers avant de m'aventurer dans des endroits exposés ; mon comportement est capable de se modifier sans aucun effort conscient de ma part. Je n'ai rien appris de tout cela à l'école, ce sens est simplement innée. C'est dans mon ADN et n'a rien avoir avec une réponse apprise.
Aussi, j'ai tendance à sentir que j'appartiens a ce milieu montagnard, à l'exclusion de tous ceux qui contrairement à moi, n'y sont pas nés et ne pourront jamais être en communion avec les éléments comme je pense être capable de l’être. Si vous lisez ceci et venez de la plaine, de la ville ou d'une région côtière, vous ne serez sans doute pas d'accord, mais cela va être bien difficile de me faire changer d'avis.
1974 : Crise de l’équipe de France de skiCela dit, toute cette histoire est en fait à propos de la résistance que nous avons tous à la diversité et si, à l'époque, il y avait eu davantage d'efforts fait en faveur d'un mixage harmonieux de toutes ces cultures, tout se serait sans doute beaucoup mieux passé. Heureusement, depuis lors, les mentalités ont beaucoup évolué et ces différences s'estompent.

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