Le ciel est assez couvert ce matin.
De gros nuages nonchalants, les yeux cachés, bouches au large sourire, avancent en crabe. Au-dessus, un esprit qui a l’air d’un brave type avec son gros nez, moutonne dans le blanc
Il observe le ciel.
Aucun ne me regarde, mais je sais qu’ils me voient. Ils savent que je les observe.
Pour qu’un nuage vous parle, c’est-à-dire, qu’il vous donne à voir ses pensées par les personnages qu’il sculpte exprès pour vous, il faut le regarder. Et quand je dis le regarder, j’entends : lui donner de vous par le regard.
Il doit y avoir un échange, sinon ça ne marche pas. Alors, et seulement alors, il vous parle.
Les miens sont bavards ce matin.
Un chaton de belle taille, glisse à présent sur le dos, lui aussi regarde vers le ciel d’un bleu laiteux tout vaporeux de brume, si doux, tout irisé de soleil.
Un géant apparaît, mèche sur l’œil, coiffure généreuse, on dirait un enfant.
Aucun jusqu’à présent n’a regardé vers moi. Qu’observent-ils là-haut ?
Ils passent, me laissant une impression de confiance et de tendresse.
Un moment de silence où les nuages ne sont plus que nuages, vaisseaux emplis d’eau qu’ils s’en vont livrer un peu plus loin, là-bas, vers l’est. Un moment durant lequel je m’imprègne de leurs paroles muettes.
Un autre géant cacochyme apparaît enfin, les yeux mi-clos, comme abîmé dans une profonde réflexion, il observe la terre. Pense-t-il à nos actes insensés, qui pourraient bien faire de lui un instrument de notre mort ?
Est-il conscient de notre fragilité ?
Comment savoir ?
Il me semble lire comme un regret à travers ses traits sobres.
Mais ne suis-je pas en train de créer des images par la magie de mon regard, des images qui ne reflèteraient que mes interrogations ?
Un oiseau huppé vient interrompre mes pensées, on dirait qu’il veut envelopper le monde de ses ailes, il disparaît presque aussitôt, dispersé par le souffle des vents.
Et moi je reste là, avec mon bloc et mon crayon…
©Adamante