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Dictateur

Publié le 13 avril 2011 par Addiction2010

J’avais envie d’écrire tout autre chose à propos de la Côte d’Ivoire aujourd’hui, j’avais envie de dire que la vie doit reprendre, que les embouteillages sur le lagunaire doivent de nouveau rythmer la vie des abidjanais. Mais voilà, ce que j’aperçois par-dessus les épaules ce matin dans mon métro parisien me révolte. Pour tout dire, je trouve répugnants les titres de la presse française.

Dictateur, c’est le seul mot qui sort. Mais enfin, un régime où la presse d’opposition parait est-il une dictature ? Un président au pouvoir qui débat à la télévision avec son adversaire est-il le chef d’une dictature ? Un pays dont les citoyens sont libres d’aller et venir est-il une dictature ? Cela n’est pas sérieux. La faute de Laurent Gbagbo est de ne pas avoir accepté le résultat d’une élection proclamé par une organisation soutenue par les Nations Unis et d’avoir choisi l’affrontement. Il aurait dû dénoncer les fraudes massives dans les régions contrôlées par les milices d’Alassane Ouattara, forces que l’on avait délibérément omis de désarmer alors que cela avait été prévu dans les accords qui permettaient en théorie cette élection. Dénoncer et entrer dans l’opposition. Après tout, il connaît, lui qui en a été si longtemps le chef.

Faut-il rappeler qui, en Côte d’Ivoire a obtenu des résultats électoraux de dictateur dans les régions qui étaient sous le contrôle de ses troupes ? Faut-il rappeler qui, ces derniers jours a lancé le sinistre jeu des massacres ?

Non, il n’est pas acceptable que la presse française n’emploie plus que le mot « dictateur » pour désigner Laurent Gbagbo. Quant à ceux qui le considéraient il n’y a pas si longtemps comme le chef d’un parti politique ami et le traitent aujourd’hui en pestiféré, ils méritent le mépris. Bien sûr, Laurent Gbagbo est arrivé au pouvoir à la faveur d’élections pour le moins douteuses, qui n’avaient été organisées que pour légitimer le général Guéï, auteur du seul coup d’état réussi en Côte d’Ivoire jusqu’à cette semaine. Mais aujourd’hui, on lui reproche d’avoir voulu éliminer Alassane Ouattara avec le nauséabond concept d’ivoirité. N’est-ce pas le PDCI, adversaire historique de Laurent Gbagbo, qui a lui-même inventé cette funeste législation pour écarter l’ancien premier ministre d’Houphouët-Boigny au profit de son champion Henri Konan-Bédié ? Mais ce dernier était, et est peut-être encore la roue de secours prévue en cas de défaillance d’Alassane Ouattara.

Dictateur ! Mais enfin, des dictateurs, à ce compte là, on va vous en trouver, et à la pelle. Que dire de Blaise Compaoré, récemment réélu avec plus de 80% des suffrages ? Pourtant, la presse satirique ou d'opposition existe au Burkina, la parole est libre et les manifestations ne sont pas si rares. On ne dira pas que tout y est parfait, ni que le progrès y est bien réparti mais enfin, on n’y vit pas si mal, quoi qu’en disent les statistiques des organisations internationales. Dictateur ! Mais que dire alors du report récent des élections au Nigeria ? Mais quittons l’Afrique. Dictateur ! Que dire d’un individu qui méprise son peuple au point d’user d’un « casse toi pov con » en public ? Que dire d’un régime qui use sans vergogne du découpage des circonscriptions pour orienter le résultat d’élections ? Que dire des puissances qui soutiennent un pouvoir en diffusant des informations spectaculaires et passablement mensongères pour fausser le résultat d’élections ? Que penser, ailleurs, d’un président élu par une décision d’une cour suprême dont les membres ont été pour la plupart nommés par son propre père ? Les apparences sont préservées, mais le résultat n’est pas différent : on impose au peuple, en le trompant, un pouvoir qui agit contre l’intérêt national.

La presse française, et la quasi-totalité des forces politiques ont choisi d’affubler Laurent Gbagbo du titre de dictateur. Il faut bien justifier son éviction. Et la presse ose affirmer qu’il s’agit d’un message fort adressé aux autres dictateurs. Allons donc, quelle plaisanterie !

Dictateur ! Faut-il dresser la liste des vrais dictateurs, ceux qui ne risquent pas d’être battus lors d’une élection ? Ceux-là, comme notre « ami » Kadhafi hier encore, on les reçoit en grande pompe et jamais on n’enverra des commandos pour les conduire en prison. Dors tranquille Vladimir…

Mais cela suffit ! La mascarade doit cesser.


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