Fine cravate en cuir, chemise à carreaux, bedaine grosse comme une planète. Vieux sac d’os pour épouse. Et une gueule de cinéaste. “Vous allez voir la Danse Macabre?” De profil, le mec ressemble à Spielberg. Barbe, chevelure. Déconcertant. Tout est là. Et quarante kilos de plus aussi, dont trente rien que sur la brioche. “À Meslay Le Grenet, arrêtez-vous à l’église. À côté, il y a une petite maison. Frappez à la porte. La dame qui y vit vous laissera accéder à la petite chapelle.” Ligne droite en sortant de Chartres. Une grosse départementale. Zone d’activités, zones commerciales, zones tout court. Énième rond-point. Quatre-vingt-dix degrés gauche. Une petite route légèrement viroleuse et gentiment cabossée mène au bled, à une vingtaine de bornes au sud ouest de Chartres. Glace étouffée par deux tonnes de chantilly pour Steven, Dame Noire pour sa femme. Crêpe, glace à la vanille, chocolat chaud. Qu’elle dégomme en quatre bouchées. Faut pas la faire chier, la vieille. C’est un ogre à carrure coton tige. “C’est sur votre route. Faut pas rater çà.” Le rond-point face à l’église est une rondelle de terre bordée par un bateau. Une autre tranche de terre sert de zone de stationnement. Population vivante et mobile au moment de l’arrivée: deux cyclistes sexagénaires. Point barre. Y a vachement de vieux qui font du vélo dans la région, non? La chapelle. Haute sous plafond. Des murs en pierre, le reste en bois. Et la Danse Macabre. Une tête de mort, un vivant futur mort, Une tête de mort, un vivant futur mort. La Danse macabre souligne la vanité des distinctions sociales, dont se moquait le destin, fauchant le pape comme le pauvre prêtre, l’empereur comme le lansquenet. Limé, usé, jamais rénové. Un vieux bijou en décrépitude.