Fabio Scotto | Regard sombre

Publié le 15 avril 2011 par Angèle Paoli
«  Poésie d’un jour



Ph., G.AdC

IL BUIO SGUARDO

   Cos’è un lago? Le ciglia sono tese, tutto è cristallino, solo lacrima, a volte, per il vento, o per un brusco addio. Guarda quei prati, sono palpebre annerite dal poco sonno, s’illumina per un raggio di sole, per parole tenere sussurate al buio, non vede, ma ti guarda, sempre, ad ogni ora, e non sarai mai sola sulla sua riva.
  In superficie è azzurrità, il fondo è ghiaccio che sciolto si trascina a valle finché l’inghiotte l’antro della pupilla: immagini in frantumi, ad ogni goccia, e quanti cadaveri sull’iride ancora vivi dell’istante dello scatto. E pesci in cerchi a danza nel fondo prosciugato delle orbite. Un lago è il grande occhio della terra.
  Pure, quando è notte, qualcuno lancia sassi sull’acqua, cosí, per gioco, o per noia. L’acqua ne ha male, s’oscura come pece, mentre ridono di lei gli ubriachi sulla sponda. Ma non lacrime, non grida, non dolore. A ben altro prezzo si merita il pianto, dice ora ai cani, alle loro nude stelle.

Fabio Scotto, A Riva, NEM | Nuova Editrice Magenta di Poiesis, Varese, 2009, pagina 44. REGARD SOMBRE

   Qu’est-ce qu’un lac ? Des cils tendus, tout est cristallin, parfois il larmoie sous l’effet du vent ou d’un brusque adieu. Regarde ces prés, ce sont des paupières cernées par manque de sommeil ; un rayon de soleil l’illumine, ou bien des mots tendres murmurés dans l’ombre ; il ne voit pas mais te regarde toujours, à toute heure, et tu ne seras jamais seule sur ses rives.
  En surface il n’est qu’azur, mais au fond c’est de la glace fondue qu’il entraîne vers l’aval jusqu’à ce que l’antre de la pupille l’avale : débris d’images à chaque goutte ; et que de cadavres sur l’iris dont l’instant du déclic prolonge la vie… Et que de poissons dansant en cercle sur le fond asséché des orbites… Un lac est le grand œil de la terre.
  Pourtant, la nuit venue, quelqu’un lance des cailloux sur l’eau, par jeu ou par ennui. L’eau accuse le coup, devient noire comme poix, tandis que les ivrognes se moquent d’elle sur le rivage. Mais ni larmes, ni cri ni douleur. C’est à bien plus haut prix qu’on mérite des pleurs, dit-elle à présent aux chiens, à leurs étoiles nues.

Fabio Scotto, Sur cette rive, L’Amourier éditions, 2011, page 67. Traduit de l’italien par Patrice Dyerval Angelini. Préfacé par Yves Bonnefoy.





FABIO SCOTTO



■ Fabio Scotto
sur Terres de femmes

→ Ces paroles échangées (poème issu du recueil L'intoccabile)
→ China sull’acqua… (traductions croisées)
Le Corps du sable (note de lecture)
→ Je t'embrasse les yeux fermés (poème issu du recueil Le Corps du sable)
→ Fabio Scotto, Musée Thyssen-Bornemisza, Madrid (onze « poèmes peints » traduits par Angèle Paoli)

■ Voir aussi ▼

→ (sur le site L'Amourier éditions) une bio-bibliographie de Fabio Scotto



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