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Le coût de la vie

Publié le 01 avril 2011 par Insideamerica

Le coût de la viePourquoi y a-t-il plus de naissances de jumeaux aux Etats-Unis qu’en France ?

L’économie permet d’expliquer pas mal de choses. Depuis Freakonomics— le best seller de Steven Levitt et Stephen Dubner paru en 2005 — j’ai été convaincu que, si elles ne suffisent pas à expliquer la façon dont on voudrait qu’il fonctionne, les motivations économiques sont à la base du fonctionnement de notre monde*.

Il y en a des démonstrations évidentes. L’absence de transports en commun dans la plupart des villes américaines, l’enterrement de la voiture électrique dans les années 90, le choix d’intervenir militairement en Irak et en Libye (mais pas au Darfour ni au Yémen), la présence de sirop de maïs dans la plupart des formules alimentaires industrielles, les avancées médicales dans certains domaines plutôt que dans d’autres, l’urbanisation des banlieues et l’échec scolaire : petit ou grand, il n’est pas facile de trouver un sujet d’évolution de nos sociétés qui n’ait pas de fondement purement économique.

Il y a aussi des démonstrations moins évidentes, et plus amusantes, comme celle qui permet d’expliquer que le taux de natalité de jumeaux en France est deux fois moins élevé qu’aux Etats-Unis (respectivement 15 pour mille et 32 pour mille). Elle m’est apparue ce matin à l’écoute d’un reportage radio sur les pratiques d’une compagnie d’assurance américaine, et je ne résiste pas à l’envie de partager ma petite théorie Freakonomiste sur ce sujet.

Depuis les années 1970, on constate une augmentation sensible des naissances de jumeaux dans les deux pays (plus de 50%), qui s’explique « naturellement » par les avancées médicales contre la stérilité et en particulier, les nouvelles pratiques d’insémination artificielle. Pour multiplier les chances de réussite, il est courant d’utiliser plusieurs embryons pour l’insémination, ce qui a également augmenté le nombre de grossesses multiples.

Aux Etats-Unis, les assurances ne prennent pas en charge ce type d’intervention dans la majorité des cas. Pour les couples américains désireux de sauter le pas, une insémination artificielle coûte entre 12.000 et 15.000 dollars de leur poche (ça se calcule sur le web !).

A ce prix, et sans remboursement par les assurances, la pratique d’une insémination ou fécondation in-vitro est bien moins accessible aux américains qu’aux français. Paradoxalement, c’est pourtant ce qui pourrait expliquer l’explosion du nombre de grossesses multiples aux Etats-Unis !

Les américains font le calcul : à 15.000 dollar l’opération, mieux vaut assurer du premier coup et utiliser plus d’embryons pour maximiser les chances de réussite… Quitte à ce que la réussite soit, disons, excessive ! (gagnant-gagnant : le client fait des économies, et la clinique gagne sa réputation sur son taux de réussite). De son côté, le couple français sait qu’il aura une seconde chance si le résultat est négatif la première fois, sans rien débourser. Même s’ils sont proportionnellement moins nombreux à pouvoir se l’offrir, les américains prennent donc « économiquement » plus de risque d’avoir des jumeaux suite à une insémination artificielle.

CQFD.

Mais les grossesses multiples comportent plus de risques, et le coût du suivi médical en cas de complications peut rapidement dépasser très largement les 15.000 dollars. Au final, les assurances qui ont fait le calcul s’aperçoivent que « l’économie » de ne pas rembourser tous les frais d’insémination artificielle leur coûte en fait des centaines de millions de dollars chaque année ! C’est ce qui a poussé Aetna —l’assureur privé sujet du reportage ayant déclenché ce flot de réflexion— à changer de politique : non seulement il couvrira désormais les frais d’insémination artificielle, mais il en offrira deux pour le prix d’une… A condition de n’utiliser qu’un seul embryon à chaque fois !

Même la vie a un coût.

* Si vous ne l’avez pas lu, Levitt répond notamment dans ce livre à des questions aussi variées que l’impact de la légalisation de l’avortement sur la criminalité, les raisons de la popularité de certains prénoms, la raison pour laquelle les dealers de drogue vivent le plus souvent chez leurs parents, et y a popularisé l’idée que les piscines étaient plus dangereuses que les armes à feu.


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