Le calme revient en Côte d’Ivoire, il est temps de revenir à mes vraies amours. Là-bas non plus, çà ne va pas fort. C’est donc vers le Burkina Faso que je voudrais entraîner ceux qui viendront jusqu’ici. J’avais envie de proposer quelques posts un peu dans la veine de « février 82 », je le ferai peut-être, mais voilà que les évènements m’ont dépassé.
Madina est morte. Elle avait quinze ans, je ne la connaissais pas, je ne connais pas sa famille. Pourtant, il me faut raconter cela.
Madina était élève au lycée de Goughin, un quartier de Ouagadougou. Elle était endormie, c’était une nuit de la fin du mois de mars. Une balle perdue a traversé les murs, ou le toit, et l’a atteinte à la tête. Madina ne s’est jamais réveillée. Elle n’est pas morte sur le coup : on l’a transportée à l’hôpital de Ouagadougou, Yalgado, et puis on a mis en œuvre les grand moyens pour tenter de la sauver, on l’a envoyée à Paris, à Necker. Elle y est morte. On l’a ramenée à Ouaga, ses amis ont pleuré à l’aéroport. Les journaux burkinabés en ont fait leurs titres. Et puis on l’oubliera.
Oui, Madina est morte. D’une « balle perdue ». Parce que des militaires ont utilisé les armes que le pays leur avait confiées pour qu’ils assurent sa défense. Ils se sont mutinés, semble-t-il pour une affaire d’argent, de prime ou de solde en retard, et ils ont tiré, tiré, encore tiré, et pillé tant qu’ils ont pu. Oui, ceux qui étaient chargés de la défense du pays l’ont attaqué. Et Madina est morte.
Une enfant est morte parce que des imbéciles en armes ont voulu faire du bruit, parce que des imbéciles en armes et en groupe se sont crus forts et au dessus de toute loi, y compris celle du respect de la vie. Si encore il s’était agi de faire venir la démocratie, de faire respecter les droits du peuple qu’ils étaient sensés défendre, mais non, il s’agissait de simples revendications salariales.
Et Madina est morte.
Sans un mot dans la presse française, qui a évidemment mieux à faire… Que ce soit en racontant à sa façon, sans un mot pour le petit peuple, ce qui se passe plus au sud, ou en faisant ses gros titres sur quelques faits divers arrivant fort à propos pour détourner l’attention et relancer le délire sécuritaire. La mort d’un enfant, assassiné par des crapules en mutinerie, cela ne fait sans doute pas vendre.
Et Madina ne se réveillera pas.