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Jour 59

Publié le 20 avril 2011 par Miimii
Jour 59

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Je suis rentrée plus sereine mais toujours aussi seule... Parce que ça ne rimait à rien finalement cette décision... « Let’s just be friends... » C’est good, mais mes angoisses sont toujours là.

Sur les différents sites de bonnes femmes où ils servent de la psychologie de comptoir pour ménagère dépressive, ils disent que pour se sortir d’un état de solitude, il faut avoir un mentor... Qui cela pourrait-il être ? Quelqu’un qui puisse me tirer vers le haut, vers des idéaux plus émotionnels, hédoniques, qui me fasse sortir de cette abstinence affective. Il m'accompagnerait dans une sorte de « Rehab’ » dans laquelle on m’apprendrait à me laisser aller à l’affection et l’emo, que j’arrête de trouver ça niais, et complètement inutile. Il faut que j’arrête de penser qu’aimer c’est jouer un coup de Poker... Si tu gagnes, c’est du couple au vieux couple et la routine (beurk) ... et si tu perds, c’est le cœur en morceau à recoller comme un puzzle.

Mon cœur s’est brisé il fut un temps, j’ai du le ramasser en petites pièces, ... Je crois que c’était 5000 pièces, quelque chose comme ça, une énigme pour personne dotées d’une patience infinie, ce qui obviously n’est pas mon cas... Et il m’a fallu deux ans pour le ré-assembler, mais la seule pièce que je n’ai pas retrouvée c’est celle qui comporte le déclencheur. Alors du coup, avec un trou milieu, mon cœur ne servait plus à rien, je l’ai laminé et accroché dans ma poitrine comme un tableau.

Ce soir, je suis invitée à une Ladies Night.

C’est une des filles qui se marie. Je suis contente de reprendre une vie sociale active, même si le sujet du mariage m’irrite au plus au point. D’après mes différents thérapeutes, c’est l’échec cuisant du mariage de mes parents doublé de la peur de l’inconnu qui me bloque complètement sur ce sujet.

Quand on se retrouve entre filles dans mon monde, on s’habille et on se pomponne bien plus que si on sortait à la chasse à l’homme... Il faut se montrer sous son plus beau jour, « la révolution ? ... L’angoisse d’être agressée m’a fait perdre 5 kilos, je rentre à nouveau dans mon 34 ! ... L’économie ? Je viens de la relancer en m’achetant ces chaussures et ce sac de chez Square 5 ! ... Le tourisme ? ... J’en fais mon affaire, le week-end dernier au Russelior d’Hammamet, le prochain au Radison de Djerba, et plus si je me sens d’humeur généreuse, j’irais passer le week end à The Residence à 5 minutes de chez moi. ...Tout ce qui est humanitaire ? ... L dernier gala de charité que nous avons organisé et tout le pognon qu’on y a ramassé va bien combler le déficit du pays... la next génération va profiter de la liberté #J’meComprends. C’était super en plus, on y a fêté l’anniversaire d’un ami d’enfance, d’une pierre deux coups : Humanitaire et l’évènementiel, nos fêtes sont toujours grandioses."


On mange des sushis et on boit du champ’, on se balance des blagues sur l’islamisation et sur le port de la burqa marinière by JP Gaultier.

Ben, oui... entre nous, nous sommes comme tout le monde... avec des standards de notre rang... Qu’on se le dise.

Et puis, la future mariée nous sort son journal de bord de préparatifs. Je suis face à ce beau cahier ciglé Ladurée, dont personnellement je ne comprends pas l’utilité. Il porte une étiquette manuscrite « Dream Day Wedding », avec la date du mariage et le nom des mariés. Il y a des photos, des coupures de magazines et des pensées écrites à la main, elle commence à nous en lire un bout... C’était pitoyable, je me retenais difficilement de rire. Ce qu’elle a pensé de la dégustation de salés chez Mme Machin, ses remarques sur son dernier essayage chez Mme BA, même des photos de dessous pour sa nuit de noces. C’était d’un ridicule...affligeant. Enfin, ça n'engage que moi, et d'ailleurs, je n'ai pas l'air intéressée.

Parfois, je me demande ce que je fais avec ces filles. Mais ce sont mes amies d’enfance, nous sommes ensemble pour certaines, depuis la maternelle, leurs parents sont des amis des miens et nous avons passé tous nos étés (Hammamet Village, La Bamba, Sindbad , Calypso...) et vacances de ski ( Suisse, Autriche) ensemble. On fait partie les uns des autres, ce sont comme des sœurs avec qui nous avons plus ou moins d’affinités, on est obligées de vivre avec.

Et puis, par pur savoir vivre, nous laissons la mariée vanter son futur mari et sa future belle famille et la sublime vie de princesse qui l’attend. Pour peu, je dirais presque que je suis l’amie intime de Kate et William et que nous organisons l’enterrement de vie de jeune fille avant « le » mariage de l’année.

Mais ces gens là, ne sont pas si superficiels que l’ironie de mon ton peut le laisser croire. Chacun d’eux a sa légende personnelle et la croix de chacun n’est pas toujours facile à porter. Ceux qui ont des histoires de familles « publiques » connaissent ceux qui ont connu les retournements radicaux de situations, ceux qui ont connu la mort, la maladie et même la récidive de la maladie à l’instant même où ils ont cru que tout allait désormais bien. Ceux dont les parents ont été emprisonnés à tort ou à raison, certains pour la drogue et d’autres pour des chèques en bois alors qu’ils menaient une vie de milliardaires, qui l’eut cru ? Il y a eux qui ont subit attouchement et abus sexuels et ceux qui n’ont jamais connu leurs vrais parents, ceux qui ont subit l'humiliation de l'adultère public d'un parent ou d'un copain qui s'avère être ton demi frère, tous ces gens là ont pleuré à chaudes larmes quand personne ne les regardait...Mais ces gens là, ont su rester digne et ont persévéré dans leur ambitions, ils n’ont pas baissé les bras pour autant.

Ce qui nous uni ? ... Je pense que c’est notre fausse communion lorsque nous sommes ensemble et notre profonde solitude quand on est chacun tout seul. J’ai ce sentiment de vécu commun qui nous lie... chacun d’une manière et avec des variables différentes mais aucun d’entre nous n’a eu la vie facile. Même si nous avons une certaine aisance pour laquelle nous sommes parfois enviés, nous échangerions tout ce que nous avons pour un bonheur total et garantit. Comme tout le monde quoi ?!

Bref, revenons à notre Ladies Night, les langues de vipères se délient quand la mariée se vante « de trop » de tout ce qui fait de son homme le meilleur parti de Tunis. Oui, on n’a pas besoin d’être au top, il faut être le top ! Une manière de narguer les présentes en disant « C’est moi qui l’ai eu ». L’image débile du bouquet que la mariée lancé en l’air et chopé par la prochaine « veinarde ». Je savais qu’on allait y venir... Elle est la prochaine veinarde, et nous devons toutes être heureuses pour elle.

Et moi dans tout ça, j’écoute, je souris, mais je n’ai rien de plus à ajouter.

Parfois une des filles vient me dire que la mariée est magnifique et rayonnante, et parfois que le choix du buffet est douteux et comme je suis nulle pour différencier l’ironie de l’hypocrisie, je ne juge pas.

Dans mon monde, on est incapable de dire du bien les uns des autres, c’est comme si on créditait le compte imaginaire de de l’autre en bonus de popularité et crédibilité. Quand on pense du bien de quelqu’un on le jalouse ou on essaie de se mettre avec en fonction du sexe, mais on ne dit rien. Si on dit du bien c’est qu’on a un intérêt quelconque dans l’affaire.

Je ne veux pas dire par là, qu’on ne nous a pas éduqués pour être médisants, mais plutôt égocentriques.

Et c’est là qu’on commence à parler avec la mariée de son histoire avec le bachelor, le nombre incalculable de leur ruptures, sous entendant les tromperies du beau gosse, son ex trop présente et le nombre de fois où il a été croisé à un supposé after-work en charmante compagnie. Mais il était avec ses potes ça ne compte pas... Parlons en de ses potes, la mariée dis qu’elle les "adooore"... Personne n’oublie une soirée en l’absence de la mariée où le meilleur ami du marié trop bourré pour réaliser qu’il n’était pas seul, fait « l’éloge » de la mariée en formulant textuellement « Tu fais la plus grosse connerie de ta vie Poto, dans 10 ans elle sera flasque et obsolète ». Tout le monde évoque l’épisode douloureux comme si celui qui devrait se sentir « humilié » est le meilleur ami... mais tout le monde a ce sourire en coin en voyant qu’au fond, la mariée est blessée.

Alors l’une des filles reprend : « Je suis sûr qu’il est PD et amoureux de ton mari, mais il refoule... ». Comme ça on attire l’attention sur l’ami. C’est une petite blague méchante mais qui a duré quelques secondes, qui a fait rire tout le monde, mais chacun pour quelque chose. Dans l’assistance, deux des copines s’échangent des mots par un regard qui en dit long. Pratique courante quand deux d’entre nous partagent le même avis sur la même personne.

Et la conversation prend un tournant plus général, les relations hommes-femmes et le mariage. Nous sommes seulement deux sur neuf à ne pas être en perpétuelle quête de l’Homme et qui ne racontons pas notre vie à tout va. L’une parce qu’elle aime secrètement un des membres du groupe qui n’a pas l’air depuis toutes ces années de s’en soucier. Peu de gens le savent, et elle le cache bien, il faut être un peu perspicace où attendre qu’elle soit au fond du trou et qu’elle ai envie de parler pour le savoir.

Un jour j’étais chez moi, elle m’a appelé en disant « je sens que tu es la seule qui ne me fera pas un sale coup suite à ma révélation, pas parce que tu es gentil mais parce que je sens que tu t’en fous éperdument.»

Le mec est l’un des piliers du groupe, il est beau, intelligent et sympathique, c’est un vrai tombeur et un très bon parti, toutes les filles lui font de grands sourires.

Il s’est passé quelque chose, entre eux, qui n’a pas eu de suite et ils sont restés amis, en apparence on n'y voit rien, une amitié propre et nette.

Mais dire qu’on aime quelqu’un sans que ce soit réciproque est l’aveu d’une faiblesse sur laquelle n’importe qui peut jouer pour se rendre « intéressant » ou trouver quelque chose de croustillant à dire.

J’en ai jamais parlé à personne et je pense que je l’oublie complètement mais là comme le sujet a été évoqué... J’ai percuté.

Le sujet c’était « Pourquoi vous deux vous ne parlez pas de mecs et on ne vous voit jamais en couple ? »

J’aurais voulu leur dire que je suis lesbienne et qu’en fait, elle et moi on est en couple. Si ça pouvait les faire taire. Mais je les connais bien, elles veulent nous entendre dire qu’on ne plaît pas et que personne ne s’intéresse à nous. Pourtant elles savent que c’est faux, elles le voient bien. Mais alors quel est le problème ? ... c’était l’occasion parfaite pour en parler.

N. prend la parole tout de suite, elle dit « Moi, je ne suis pas intéressée par les hommes, parce que j’en ai longtemps aimé un seul et que j’essaie encore de m’en remettre. »

L’une d’entre elles saute sur l’occasion : « C’est qui ? On le connaît ? »

S’il n’était pas 3h du mat’ et qu’on avait toutes des coupes de champagne dans les mains, j’aurais cru qu’on était dans la cours du lycée à la récré de 10H.

N. ne répond pas. Et tous ces yeux rivés sur elle la mettent, manifestement, mal à l’aise. Alors je prends la parole.

« Ce n’est pas important de savoir si vous le connaissez ? ... Mais c’est pas possible les filles, pourquoi vous ne pouvez pas vous empêcher d’être aussi curieuses sur la vie sentimentale des autres » (rires)

R. à moi: « Tu peux parler toi, tu as la vie la plus secrète qu’on a jamais vu. Depuis A. t’es sortie avec aucun mec ? »

Une autre la reprend, « Tu as bien changé depuis Mimi... » (Soupir, toute l’assistance garde le silence, elles sous-entendent toutes, depuis l’accident.)

Dès qu’on m’en parle, mon visage se voile, et une tristesse s’empare de moi.

Je les regarde droit dans les yeux. « Vous ne savez pas faire autre chose que vous immiscer dans l’intimité des autres ? Vous n’en avez pas marre de tester les réactions des autres ? Vous trouvez ça amusant d’attendre de voir comment je vais réagir quand vous évoquez A., l’accident et le fait que je ne vous présente pas mes petits copains ? D’ailleurs c’est peut être pour ça que je ne vous montre ou vous confie rien, vous ne rateriez pas une occasion de me le balancer à la figure...D’ailleurs, je suis étonnée que vous ne remettiez pas sur le tapis le mariage de A. avec Sélima. Histoire de voir ce que ça me fait...» Je ris pour ne pas donner un caractère grave à cette discussion, je ne veux pas en faire un plat, passer mon message me suffit amplement.

« Pour votre information, je pense que je ne me remettrais pas de cet accident, et même si je sais que chacune de vous à vécu des traumatismes, probablement équivalents en valeur absolue, vous devez, en y réfléchissant savoir ce que je ressens. Ou peut être pas...parce qu’il ne vous arrive pas d’y penser ou de vous mettre à la place de quiconque. Pour ce qui est de Sélima et de A., je suis heureuse pour eux... Non, ce n’est pas vrai, je ne suis pas heureuse... (Alors que tout le monde attendait une vacherie sur le compte de mon amie et l’amour de ma vie) en réalité, je m’en fous, ma vie est faite de façon à ce que réellement, je ne me suis jamais posée pour y penser, pas le temps. Vous avez raison depuis A. j’ai changé, parce qu’un chagrin d’amour doublé d’une tragédie ça vous fait voir les choses autrement, on a peur sans arrêt de perdre un être cher, de souffrir ou de faire des cauchemars incessants. L’accident nous a imposé de nous séparer, et de toutes les façons, la vie n’était plus possible à cause d’un évènement qu’on a vécu communément et qui était trop douloureux et indéfiniment présent. Alors on ne s’attache plus, on vit au jour le jour et on se recentre sur d’autres choses. Me concernant, ma vie est ainsi faite, je travaille et je voyage. Ce qui ne veut pas du tout dire que je suis devenue asexuée... mais je n’ai rien de concret à annoncer à mes amies pour le moment. » (Je sers un sourire qui, quant à lui, sous-entend CQFD).

La réponse à l’air convaincante mais personne ne relève, il n’y a plus rien à dire, alors on enchaîne sur le mariage et les prochaines soirées... quelque minutes plus tard, je préfère m’éclipser. Elles ont réveillé le petit (de l’accident), mes démons sont de retours, je me sens étouffée et affreusement angoissée. J’arrive chez moi, et je ne supporte pas ce silence, j’allume la télé rien n’y fais, je l’entends toujours... J’envoie un sms à D.

@D. : A cet instant, j’ai vraiment besoin d’un ami.


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