Darren Solomon est un compositeur de musique de pub vivant dans le New Jersey, aux États-Unis. Il fait aussi de l’électro sous le nom de Sciences for the Girls. Darren Solomon est connu pour être à l’origine de deux projets musicaux collaboratifs en ligne des plus originaux. La réalisation de ces projets et leur aboutissement sont les témoins incontestables d’une nouvelle utilisation du web. Internet ne serait plus seulement une plateforme de mise en relation des gens, mais un véritable outil de création qui étend une fois de plus la définition du web 2.0.
Tout est parti d’un constat. En travaillant sur un site web qui intégrait des vidéos YouTube, Darren Solomon s’est rendu compte que rien n’empêchait de lire deux vidéos issues de cette plateforme simultanément. L’envie lui a rapidement pris d’essayer d’exploiter cette possibilité d’un point de vue musical. Il a donc commencé à enregistrer un certain nombre de vidéos sur lesquelles il jouait à chaque fois d’un instrument différent, s’inspirant toujours de la même note : le si bémol. Ensuite, il lança un appel à contributions sur le web. Chaque musicien pouvait proposer une vidéo de lui jouant d’un instrument inédit, à condition que le morceau soit extrêmement neutre rythmiquement parlant, et qu’il respecte une variation autour du si bémol.
La sélection des 20 vidéos finales se fit de manière assez méthodique, il fallait que chacune d’elles fonctionne ou s’adapte aux autres, même si « c’était vraiment subjectif, certaines vidéos me paraissaient évidentes ». Une fois les morceaux sélectionnés, il les rassembla sur une même page web : http://inbflat.net/. Le concept ? L’internaute peut lancer les 20 vidéos dans l’ordre qu’il souhaite, à n’importe quel moment – réalisant ainsi sa propre combinaison de sons. L’opération est réalisable à l’infini puisque les paramètres de lecture qu’il peut faire varier sont extrêmement divers : jeu exhaustif, volume du son, timing, mise en pause… Conclusion : Darren Solomon est allé un peu plus que le YouTube Symphony Orchestra en proposant une oeuvre musicale qui n’existera qu’une fois, et ce uniquement grâce à l’interaction de l’internaute avec le contenu que propose la plateforme…Seulement, il ne s’est pas arrêté là.
Le projet marker/music
En octobre 2010, Darren s’est rendu sur le campus de la Northern State University d’Aberdeen (Dakota du Sud), invité par Greg Blair, un professeur d’Art qui avait eu vent de l’expérience InBflat.net, et qui voulait essayer de reproduire le concept avec ses étudiants. Seulement Darren n’était pas intéressé par le fait de reproduire bêtement le travail qu’il avait effectué précédemment. Si InBflat.net avait rassemblé des gens du monde entier qui ne s’étaient jamais rencontrés, ce nouveau projet ne réunirait que des gens d’Aberdeen. Apparemment, pas de grand changement par rapport au concept précédent.
Sauf que. Cette fois-ci, l’objectif était de mettre en valeur la dimension locale du projet grâce à une interface particulière, qui serait différente de celle d’InBflat.net. L’idée d’utiliser GoogleMaps émergea rapidement. Au fur et à mesure d’expériences de codage, le site web créé permit de faire correspondre sur une carte interactive les contenus vidéos et les endroits où ils avaient été tournés.
Interface du projet marker/music sur GoogleMaps, quand les vidéos sont lancées.
Encore plus loin. Dans InBflat.net, les vidéos n’avaient aucun rapport entre elles. Elles représentaient à chaque fois un musicien avec son instrument. La nouveauté du projet marker/music résida dans le fait de faire appel aux talents musicaux de chacun des étudiants de l’Université de sorte qu’ils se mettent en scène eux-mêmes lors d’une démonstration. Au bout de trois jours, Darren Solomon récolta près de 70 vidéos de danse, de musique classique, de films graphiques expérimentaux, de poèmes ou de dessin en temps réel. Après un tri et de multiples expérimentations, il choisit les 12 dernières vidéos, celles qui allaient figurer sur l’interface définitive du projet marker/music. L’objectif était donc clairement de créer une unité entre les différents protagonistes d’ores et déjà liés entre eux par leur localité, tout en mettant en valeur leurs aptitudes individuelles.
Dans le projet marker/music, Internet a été utilisé comme un prisme permettant de combiner des informations de géolocalisation avec du contenu artistique, tout en mettant encore une fois l’Internaute au centre de l’oeuvre, puisque comme auparavant pour InBflat.net, il peut choisir et modifier le contenu qu’il décide de visionner. Internet n’est donc plus utilisé comme une simple plateforme, mais comme un véritable outil de création propre, novateur et original. Le mérite qu’a ce dernier projet est de rassembler des gens qui vivent au même endroit, autour d’un projet artistique qui ne peut pas exister sans Internet.
D’où la question de savoir si d’une certaine manière, le travail de Darren Solomon ne transcende pas le simple web 2.0., en poussant les gens à collaborer selon une même unité physique de temps et de lieu, dans le but unique de produire un contenu exclusivement destiné à Internet. À constater l’aboutissement des ces projets, le web n’est plus une simple plateforme mais un support artistique à part entière au potentiel inestimable.
Merci à Amandine pour le coup de main.