(12) Le cimetière des animaux

Publié le 21 avril 2011 par Luisagallerini
Dimanche 15 mars 1863, 6h du soir
Le vent étant tombé la nuit dernière, la cange vogue à la vitesse d’un homme au pas. Monsieur Verdret profita de ce contretemps pour m’inviter à chasser l’aigle sur la rive. J’acceptai avec joie. Au détour d’un fourré, j’aperçus Madame Gallerini sur le pont, un livre à la main. Je lui fis un signe, auquel elle répondit avec un large sourire. Intimidée par sa présence, même lointaine, je laissai mon acolyte tirer sur les malheureux volatiles et ne lui prêtai main forte qu’en paroles. 

En contrebas nous découvrîmes après une heure de marche un cirque naturel, que la nature avait transformé en cimetière d’animaux. Pourquoi tant d’espèces étaient-elles venues mourir à cet endroit précis ? Je dénombrai deux carcasses de chameau, une hyène éventrée et de nombreux oiseaux et lièvres déchiquetés. Quant aux chiens, ils avaient pris possession du garde-manger et fourrageaient de façon tout à fait indécente dans cet amas de viande répugnant où les mouches s’agglutinaient. Dès qu’il vit les bêtes errantes, qui ressemblaient à s’y méprendre à des loups efflanqués, Monsieur Verdret pointa sa carabine sur l’une des meutes et fit feu. Si du premier coup, il abattit un vautour qui décortiquait un lièvre, il parvint à peine à mettre les chiens en fuite. Pour ma part, le cœur au bord des lèvres, je me demandai comment les hommes pouvaient avoir des occupations aussi sauvages. Dévorée par la honte, je regagnai la dahabia en espérant que Madame Gallerini n’apprît jamais le détail de cette sinistre expédition.
A suivre...