Ma vie rêvée.

Publié le 21 avril 2011 par Elb
Il y a des concepts que je ne comprends pas. 
Les gens qui aiment travailler par exemple.
Déjà il faut savoir que le mot travail (apparu vers 1130) est issu du latin populaire tripaliare, signifiant « tourmenter, torturer avec le trepalium ».
Faut donc déjà être un peu maso, à la base (ou sadique, c'est comme vous voulez...les coups ou les douleurs, vous savez...)
A la rigueur, je peux concevoir que l'on puisse, dans certains cas, aimer son travail.
Durant son enfance, Jean T. était un fou de Légo. Il pouvait y jouer des heures, pour le plus grand bonheur de ses parents qui avaient ainsi le temps de regarder les Chiffres et les Lettres en toute quiétude.
Adolescent, à l'âge où la plupart de ses camarades s'imaginaient des châteaux en Espagne, lui maîtrisait la conception de cabanes éco-citoyennes. Etudiant, il passait tous les ponts à bosser ses études d'architecture, alors qu'il aurait pu aller à la plage échafauder des projets avec la voisine d'en face. Aujourd'hui il est heureux de participer à la réalisation de maisons, ouvrages d'art ou ensembles urbains.
Jean aurait pu tout aussi bien être médecin, militaire, tortionnaire, boucher, prêtre ou chanteur de variété. Peu importe. A part pour le médecin, peut-être c'est assez incompatible avec l’étymologie sadique du mot travailler.
Il aurait réalisé un rêve d'enfant, et sans contretemps économique ou physique fâcheux, sa vie se résumerait à cet aboutissement : il est ce qu'il fait, et ça le fait.
Dans ce cas là, le travail s'apparente donc plus à un plaisir qu'à une contrainte.
Néanmoins, beaucoup de Jean que je connais, qui disent aimer leur boulot, ne sont pas mécontents non plus de prendre des vacances.
Si ils tant ont besoin de faire  des  breaks réguliers, de ne plus travailler pendant un temps, c'est donc que leur activité quotidienne est tout de même un peu pesante et pas si agréable que ça.
Ce n'est donc pas une antinomie que de dire qu'en matière de travail, il y a finalement des Jean conquis et des gens contrits. Une homonymie, pouvant prêter à polysémie, tout au plus. 
Sauf que les contrits sont légions et les conquis conscrits à portion congrue.
Le pompon, c'est qu'il faut payer pour travailler. 
Là encore, le concept m'échappe. 
Que l'on ne vienne pas me dire de ne pas me plaindre de payer des impôts, que beaucoup seraient contents d'en payer. Les impôts sont une nécessaire contribution aux besoins de l'état. 
Moi ce que je remarque c'est que les pays les plus riches sont ceux où l'on ne paie pas d'impôt. Et leurs habitants ne sont pas les plus malheureux.
Si vraiment, en payant ma dîme, je supporte une partie de la charge du fonctionnement de l'état, pourquoi n'ai-je pas le droit de porter dans la case "personnes à charge" de ma déclaration les 5 971 000 personnes financés totalement, ou partiellement, par le budget de l'état ? Ou, au minimum, les quarante membres du gouvernement ?
D'après un ami expert-comptable, ce n'est pas possible.
Donc je ne déduis rien, et je travaille plus, pour gagner moins.
Mon boulot n'est pas le pire, il me plait même parfois, de façon ponctuelle. Il me permet de gagner un peu d'argent, ce qui me donne le droit, et même le devoir, de payer des impôts. 
Si je décidais de ne plus travailler, je ne gagnerai plus d'argent, je ne pourrai plus subvenir aux besoins de ma famille, je serai probablement obligé de quitter mon foyer, je perdrai probablement mes enfants et mes amis, ma famille me placerait vraisemblablement sous tutelle, voir dans un établissement psychiatrique, et là ce serait horrible car ils n'ont sûrement pas de garage prévu pour ma moto et que l'on ne peut pas écouter la musique que l'on veut.
Si je décide de ne plus  payer d'impôt, les services fiscaux vont se pencher sur mon cas, je vais être pénalisé, à tel point que je ne pourrai plus payer les taxations d'office, grevées de frais importants. Je serai saisi, mes meubles, mes disques, ma moto, je ne pourrai plus garder mon logement, je perdrai mon boulot, et probablement mes enfants et mes amis.
Rebelote.
Dans les deux cas, je ne travaillerai plus et je ne paierai plus d'impôt; en revanche, l'état me donnera de l'argent pour subvenir modestement, certes, à mes besoins vitaux. 
Un peu comme le salaire de mon inaction, en quelque sorte.
Je pourrai alors m'adonner à mon passe-temps favori : dormir. 
Maintenant que j'y pense, l'idéal serait que je soit payé pour dormir. J'accepterai même que l'état branche des électrodes pour mesurer l'activité de mon cerveau durant mon sommeil et me rémunère en fonction. Il y a des nuits où je suis persuadé que je vais me faire des couilles en or.
Je serai enfin un de ces gens dits Jean.  
Un Jean-Foutre indigent, j'en conviens.