Et comme c'est un jour férié aujourd'hui là où j'habite (rassurez-vous, je travaille demain par contre, sinon ce serait pas le fun !), je prends le temps et donc je vais commenter un peu, par personne interposée, en l'occurence par Geluck interposé, avouez qu'il y a pire comme commentateur de la situation belge, mieux aussi peut-être, je ne sais pas trop, mais du Soir au plateaux de télé et aux bacs de bd, Philippe Geluck me reste attachant donc allons-y.
J'ai lu cet article à l'aéroport, en revenant de Montréal, dans le Journal du Dimanche du 21 novembre 2010, un journal que je ne lis jamais mais qui se trouvait là à l'abandon à la gare de CDG et dont j'ai embarquée la page de Geluck de manière éhontée parce que j'ai trouvé son évocation de la crise belge drôle en même temps qu'émouvante, d'autant que les Belges avec qui j'en avais parlés avant (francophones, précisons) m'avaient tous parus d'une immense indifférence pour ce qui fascine au plus haut point les Français par contre, au point que j'en venais à me demander si j'étais bien normale de trouver ça bizarre...
Enfin bref, laisson parler Monsieur Geluck, qui m'a rassurée sur l'inquiétude douce-amère que cet étrange phénomène politique m'inspire :
"Siamois belges
Puisqu'on en parle, parlons-en de la Belgique. Etre ou ne pas être, disait déjà Hamlet, prince du Danemark, plusieurs siècles avant Albert II, roi des Belges. Et telle est bien la question. Qu'est-ce qu'on va bien pouvoir faire de ce fichu pays ? Ce pays qu'on aime comme on aime un enfant handicapé. On s'y attache plus qu'à un autre parce qu'il est différent, parce qu'il est plus fragile et que le regard des passants est souvent cruels. Je ne sais pas s'il s'est passé quelque chose à la naissance, ou si la maman a consommé un truc qu'elle aurait pas dû pendant la grossesse ou s'il s'agit d'une tare chromosomique. Toujours est-il que nous, les Belges, nous retrouvons avec sur les bras deux frères siamois qui ne s'entendent pas. On voudrait les séparer, mais l'opération semble extrêmement compliquée. Inévitable mais à haut risque. On ne va pas non plus en faire tout un fromage, comme le disait très justement Maître Rhenard à Maître Van Corbau, deux avocats belges plaidant leur cause devant la cour de Justice Immanente.
Rattachement
C'est vrai, à la fin, de quel droit vous fais-je perdre votre temps avec mes histoires de famille ? Je comprendrais que vous me disiez que mes histoires de linge sale ne vous concernent pas. Que vous en avez déjà suffisamment comme a. Des mannes pleines, me dit-on, et plus une culotte de rechange. Et c'est vrai que vu d'ici (de Belgique), vous nous faites bien marrer dans votre Hexagone. Beaucoup de Belges frissonnent à l'idée d'un rattachement à la France (envisagé déjà très sérieusement par de Gaulle).
Trois problèmes majeurs surgiraient d'emblée : nous devrions abandonner le septante-houit et le nonante-deuï, pour adopter le soixante-dix-huit et le quatre-vingt-douze (quand on l'écrit avec des chiffres, c'est moins drôle : abandonner le 78 et le 92 pour le 78 et le 92), les Français ne pourraient plus rire des Belges mais seraient obligés de se moquer d'une partie d'eux-mêmes, et enfin, qu'est-ce qu'on ferait du roi ?
Le roi Albert II accepterait-il de n'être plus le souverain que d'un département de la République française, après avoir été celui d'un pays minuscule dont la devise était "L'union fait la force" ? Il faudrait le lui demander. Et aussi demander aux Français s'ils ont envie de renouer avec la monarchie? Quitte à reprendre un roi dans un département, pourquoi ne pas l'utiliser pour la nation entière ? Juste après le quinquennat de Napoléon IV ? François Bayrou serait Richelieu ou Mazarin et la France retrouverait enfin sa splendeur d'antan. Le troisième millénaire débuterait par un nouveau siècle des Lumières, alimentées cette fois par de l'énergie énolienne ou solaire.
Pluie
Et nous voici déjà, chers auditeurs (je dis ça pour ceux à qui on lirait le journal à voix haute) à la fin de cette émission spéciale consacrée à nos amis les Belges. Belgique, terre de chocolat et de bande dessinée (tiens, à propos, vous ai-je parlé de mon dernier album, Le Chat, acte XVI ? Non ? Il y a des jours où je m'étonne moi-même. Pourtant, je le trouve remarquable. Mais peut-être le JDD vous en a-t-il déjà fait part ? Excusez-moi, je n'ai pas lu le journal avant d'écrire ce texte. Et puis les choses agréables ne méritent-elles pas d'être répétées ?). Ephémère Belgique, disais-je, d'où je vous écris sous la pluie. Quand je sors de chez moi, j'ouvre mon parapluie ; malheureusement il ne comporte plus qu'un manche et des baleines."
En complément, il y a un livre qui vient de sortir de Charles Bricman, qui jette son petit pavé explicatif dans la mare francophone, avec un titre accrochant Comment peut-on être belge ?
Pour expliquer un peu pourquoi je parle de tout ça, il faut savoir que j'ai pour la Belgique en tant qu'entité confuse et en même temps précise toute l'affection de nos expéditions d'enfance, d'une espèce de chez-nous-en-mieux juste à côté, de cette forêt de contes que l'on traverse à pied pour déboucher sur un ailleurs idéalisé, et dont la légende dit que mon arrière-grand-père l'a traversé à pied pour ramener à manger, lui qui avait déjà tant traversé pour venir travailler dans ce pays où il pleut tout le temps, mais où l'on se tient chaud avec des patates et de la tarte au sucre. Au fil des années, c'est étrange mais l'affection n'a pas pâti, j'ai "un faible pour" ce pays parce que malgré tout, envers et contre moi parfois, j'y ai toujours été très heureuse, parce que j'y aime le soleil et la pluie et les mots qui me reviennent toujours sur le bout de la langue.