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Storytelling et neurosciences

Publié le 26 avril 2011 par Storytellingfrance
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Neurosciences ? Pouark ! J'entends déjà les gens qui pensent que les neurosciences ne sont que foutaises. Ce sont très souvent les mêmes qui pensent la même chose du storytelling. Parfois, et entre autres quand il s'agit de chercheurs, ils trouvent que les deux disciplines sont non seulement de la foutaise mais également dangereuses. Non, pire : une malédiction, horreur, putréfaction...

Conclusion simple et définitive. Pour peu que l'on fasse un livre sur ce thème, avec une opinion nécessairement tranchée comme celle-ci, et le succès de librairie sera peut-être au rendez-vous. Quoiqu'un livre nuancé aurait aussi été un succès, mais dans la catégorie des ouvrages professionnels. Moins intéressant.

Bon, ceci dit, et sans animosité puisqu'il y a (c'est un constat empirique) de la place pour tout le monde, pro- et anti-, sur le marché des neurosciences et du storytelling, venons-en aux faits. Narratifs, mais faits quand même.

Les neurosciences et le storytelling font bon ménage. Le second se sert du premier, notamment pour expliquer ses effets et performances. Avec succès, il faut dire, surtout dans la pub, qui a souvent besoin d'être rassurée quant à l'efficacité de ses investissements, avec le neuromarketing.

En storytelling managérial, nous nous en servons plus pour expliquer, décrypter le fonctionnement, les mécanismes.

Bon, de quoi s'agit-il exactement ?

Cela tombe bien : il y a une interview d'un grand spécialiste des neurosciences dans le dernier numéro de Sciences et Avenir (avril 2011).

Antonio Damasio est portuguais, et professeur de neurologie, neurosciences et psychologie. En plus clair, et du coup très intéressant pour tous ceux qui s'intéressent au storytelling : il dirige l'institut pour l'étude neurologique de l'émotion et de la créativité à l'université de South California. Il est particulièrement connu et reconnu pour ses trouvailles sur les liens entre émotion et connaissance.

Et comme les émotions sont justement le ressort du storytelling...

Antonio Damasio est notamment à l'origine d'une découverte révolutionnaire : le rôle fondamental des émotions dans la prise décision.

Les trouvailles scientifiques d'Antonio Damasio

Antonio Damasio raconte l'histoire (à ce que je sache, il n'est pas particulièrement branché storytelling, alors c'est sûrement qu'il a trouvé que c'était le meilleur moyen de faire partager ses trouvailles) d'un patient intelligent, doué de pas mal de connaissances, et avec un bon sens logique, de bonnes capacités mémorielles, mais qui prenait très souvent des décisions insensées.

Et ces décisions stupides étaient prises lorsque le niveau d'émotions du sujet était très bas. CQFD.

En fait, le patient souffrait d'une lésion de la jonction entre la partie du cerveau régie par les émotions et celle qui est le siège de la raison.

Le neurologue en a déduit que notre corps génère des émotions qui « marquent » les situations de manière positive et négative (J'aime – Je n'aime pas), en fonction de notre expérience accumulée. Ce « marqueur » nous fournit une première impression qui est une aide à la décision.

Bien entendu, Antonio Damasio ne s'est pas basé sur l'étude d'un seul patient, mais a confronté et validé ses théories avec l'examen approfondi de plusieurs dizaines de cas, sur près de 10 ans.

Pour Antonio Damasio : « les émotions sont des programmes complexes et en grande partie automatisés d'actions, menées à bien par notre corps, de l'expression du visage et des postures aux changements dans les viscères et le milieu intérieur ».

Au début, il a été traité de fou, ce qui est toujours plus scientifique comme jugement, que le mot « foutaises ». L'émotion était alors considérée comme étant du niveau de l'animal, et des décisions animales, re-pouark ! (Pourtant, partout autour de nous, quand on voit le genre de décisions prises par toutes sortes de gens, c'est souvent très... animal).

Aujourd'hui, ses thèses sont bien validées, et son livre « L'Erreur de Descartes » se vend très bien.

Les 3 niveaux de conscience... et leur lien avec le storytelling

A présent, Antonio Damasio poursuit ses recherches en ciblant la conscience, dont il distingue 3 niveaux. L'un permet la survie, c'est un niveau de conscience primaire, avec des informations fournies sur l'état de notre corps. Le second est plus élevé : sans pour autant avoir de facultés mémorielles, il permet à l'être-animal de s'adapter à son environnement. Le troisième, le plus évolué, conserve la mémoire des expériences passées, avec une capacité de se projeter.

Et bien, où que l'on regarde dans ces différents niveaux, on trouve une place centrale pour des récits et des émotions. Le mot « expériences » est particulièrement révélateur, parce que des expériences, et bien ce sont des récits, des histoires.

Passionnantes, ces recherches, même si, sur un plan pragmatique, cela ne nous aide pas vraiment dans la pratique du storytelling. Cela nous aide à comprendre un peu mieux les liens de cause à effet, et il est intéressant que des scientifiques avec une vraie démarche scientifique s'intéressent à des notions connexes de notre discipline. Flatteur, aussi.

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