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L'incroyable destin de Clarisse Manzon (18)

Publié le 26 avril 2011 par Mazet

L’incroyable destin de Clarisse Manzon (18) : Clarisse dans la tourmente.

Le ciel n’était tombé sur la tête. La description fournie par le lieutenant Clémendot ne laissait aucun doute. Ma mystérieuse visiteuse ne pouvait être que Clarisse. Mais que diable faisait-elle dans la maison Bancal ?

   - Qu’en pensez-vous, Blaise ?

   - Bien sûr qu’il s’agit de Clarisse Manzon !

   - Que lui avez-vous conseillé, hier soir dans ce fameux confessionnal ?

   - De fuir, d’attendre dans un lieu tenu secret que les esprits soient moins échauffés.

   - Pensez-vous qu’elle vous écoutera ?

   - Je ne le pense pas, elle m’a affirmé que c’était à cause d’un galant qu’elle se trouvait dans la maison funeste.

   - Allons tout de même lui rendre visite, elle nous pardonnera cette arrivée matinale.

Nous étions à deux pas de chez elle, lorsque nous vîmes sortir un huissier. La Clarisse qui vint nous accueillir ne ressemblait plus à celle qui, l’autre jour, papillonnait dans le salon. Certes l’heure était matinale, mais son visage m’apparut sombre, elle avait les yeux cernés. Malgré les efforts de la femme de chambre, le maquillage ne réussissait pas à masquer un visage rongé par l’inquiétude.

   - Ah ! Monsieur Blaise, Monsieur Gilbert, entrez, vous êtes de vrais amis !

Avant que nous n’ayons eu le temps de protester, elle nous installa face à deux tasses de thé.

   - Vous avez croisé l’huissier ? il venait d’ci. Figurez-vous qu’il faut que je me présente demain matin dans le bureau de Monsieur Constant, procureur du roi.

Je pris la parole.

   - Je pourrais vous en vouloir Madame, de m’avoir ainsi dupé, car c’était bien vous qui étiez dans le confessionnal ?

   - Je vous le confirme.

   - Pourquoi ces cachoteries ?

   - Il est toujours difficile d’avouer qu’on a plusieurs amants.

   - Il semble maintenant que toute la  ville vous soupçonne d’avoir été dans la maison Bancal !  Comment ce bruit s’est-il répandu ?

   - Toute la faute m’en revient, Monsieur Alvergnat. J’ai confié aussi ce secret au lieutenant Clémandot, avec qui, vous le savez j’entretiens une relation particulière.

Mon ami Blaise intervint.

   - Vous choisissez bien mal vos confidents madame. Votre ami répand cette rumeur dans tout Rodez, ce qui explique votre convocation par le procureur.

Se tournant vers moi, elle demanda.

   - Que me conseillez-vous, Monsieur Alvergnat ?

   - Niez, madame ! Niez ! Quand devez-vous être interrogée ?

   - Cet après-midi même.

   - Alors permettez-moi de vous accompagner.

   - Avec grand plaisir et avec un énorme soulagement.

   - Je ne suis pas sûr que le procureur accepte ma présence.

   - Cela ne fait rien, vous savoir à proximité sera pour moi d’un grand réconfort.

Quand nous quittâmes la belle, elle était à moitié rassurée. Blaise resta un long moment silencieux.

   - Je te vois embarquer dans une drôle d’histoire !

   - Pouvais-je refuser ce service à Clarisse ?

   - Bien sûr que oui, tu pouvais. Mais, tu ne l’as pas fait pour deux raisons. La première est que cette histoire commence à te passionner. Je lis ce que tu transmets à ton journal et tu sais faire vibrer le lecteur, tu as un talent certain. La seconde raison est que tu es tout bonnement en train de tomber dans les bras de la sulfureuse Clarisse. Je le comprends, moi-même, si l’âge n’avait eu raison de mes élans, je crois que j’aurais succombé, comme nombre d’hommes de cette contrée !

   - Vous avez raison, Blaise. Je ne veux pas vous cacher que je suis profondément amoureux de Clarisse et j’ai la faiblesse de penser que  ce sentiment est partagé.

Je pense que Blaise s’abstint de me faire part du fonds de sa pensée. D’après ce qu’il m’avait narré d’elle, sans doute m’aurait-il que Clarisse n’avait jamais eu de sentiment pour quelqu’un d’autre que pour elle-même. En arrivant à la librairie, il ajouta néanmoins.

   - Sois prudent Gilbert, plus d’un s’y sont brisé le cœur.

Je passais le reste de la matinée à écrire mon article et à fouiner dans la librairie. A midi, je grignotais du bout des lèvres. L’impatience me gagnait. J’étais depuis une demi-heure devait le palais de justice, lorsque Clarisse fit son apparition, elle semblait pâle et défaite.

   - Alors Monsieur Alvergnat, me conseillez-vous toujours de nier ?

   - Plus que  jamais, Madame.

Le procureur accepta ma présence sans discuter.

   - Madame, lui dit-il, vous souvenez-vous de ce que vous fîtes dans la soirée du 19 mars au moment où le malheureux Fualdès était assassiné ?

   - Je chantais dans mon salon avec les filles de Madame Pal qui m’avaient fait l’honneur de leur visite.

   - Qu’est-ce qui vous autorise de l’affirmer ?

   - Le lendemain matin, lorsque je croisais Madame Pal dans la rue, je me souviens d’avoir dit : « Mon Dieu, nous avons chanté comme des folles toute la veillée ; peut-être dans ce temps égorgeait-on ce malheureux. Ah tant pis, on dit que c’était un honnête homme ». Puis nous sommes allées voir le cadavre, comme la moitié des habitants de Rodez.

   - Savez-vous, Madame, que le bruit court que vous étiez à la maison Bancal ?

   - Qui a dit cela ?

   - Oh, c’est un bruit de la ville.

Je ne pus m’empêcher d’ajouter.

   - Celui qui est à l’origine de cette rumeur est un bien triste sire.

Le procureur répondit.

   - Et pourtant, il parait qu’il y a peu encore, il était bien cher au cœur de Madame.


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