Béatrice Bonhomme-Villani | Passage du passereau

Publié le 27 avril 2011 par Angèle Paoli
«  Poésie d’un jour


Image, G.AdC

PASSAGE DU PASSEREAU

  Le passereau est un passer-moineau, un petit oiseau de l’ordre de ceux qui passent et traversent, fuselés, la vie précaire.

  Le passereau est éphémère, il est passe-fleur, passiflore, passionné comme l’anémone qui vibre en plein-vent d’étincelles.

  Ses poumons sont d’oiseau éphémère, les bronchioles se ramifient dans le tissu pulmonaire, le traversent et se prolongent par des sacs aériens qui sont tissus d’or et de songes dans le souffle des nuages.

  Le passereau passe le souffle dans le syrinx de son chant comme message d’un ciel si proche et comme essor de passage.

  Volatilia, matière volatile évaporée dans la fibre du monde, il vole dans l’obscurité de la nuit comme dans la clarté du jour.

  Il taille dans les ailes et les airs jusqu’à trouver la forme juste d’un anniversaire de feuilles.

  Il est le souffle de la nuit qui se heurte contre la paroi des fleurs.

  Il tourne tout autour de la table des morts et, en veillée funéraire, s’incruste dans le vitrail.

  Son œil de verre rouge irise la couleur.

  Sur la neige ne demeure que l’étroite empreinte de sa fine patte de passereau posée sur le mouron des tombes.

  Il passe oiseau éphémère comme la précarité de l’amour.

  Pour moi, le passereau est bleu, mais je ne sais pas trop sa couleur. Il est bleu comme l’oiseau d’enfance et souffre-douleur d’amour.

  Pour moi, le passereau est rouge, mais je ne sais pas sa couleur. Ensanglanté des stigmates de pluie, il traverse les larmes.

  Pour moi, le passereau est gris, car je sais trop bien sa couleur. Il passe en glissade légère les ailes étendues, discret, il passe dans la vie précaire.

  Et dans les plantes aromatiques, la myrrhe d’un étrange berceau, il passe et renaît, passereau, oiseau de cendre et de lumière.

Béatrice Bonhomme-Villani, Passant de la lumière, L’Arrière-Pays, 2008, pp. 21-22.



BÉATRICE BONHOMME


Source

■ Béatrice Bonhomme
sur Terres de femmes

Mutilation d’arbre (note de lecture)
→ Poumon d’oiseau éphémère
→ Sauvages
→ T’écrire adolescent
→ La terre rouge
→ Un lacis de sang et d'ombre
→ (dans la galerie Visages de femmes) le Portrait de Béatrice Bonhomme-Villani par Guidu Antonietti di Cinarca, un poème extrait de Poumon d'oiseau éphémère et l’excipit de Mutilation d'arbre

■ Voir aussi ▼

→ (sur Wikipedia) une belle bio-bibliographie de Béatrice Bonhomme
→ (sur Terres de femmes) La rencontre Hölderlin-Jouve-Klossowski par Béatrice Bonhomme et Jean-Paul Louis-Lambert
→ (sur le site de la Revue d'art et de littérature, musique) un entretien de Rodica Draghincescu avec Béatrice Bonhomme (Numéro 45 - décembre 2008)



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