A suivre...
(13) Escale à Abydos
Publié le 28 avril 2011 par Luisagallerini
Jeudi 19 mars 1863, 8h du soir
La veille, nous fîmes escale à Abydos, nécropole tapie sur la rive occidentale du Nil. Quelle joie de visiter ce site, même s’il n’en reste à ce jour que des vestiges ! Le village lui-même ne compte que quelques hameaux abandonnés et l’escale ne dura qu’une demi-journée. L’équipage, qui se délassait paisiblement à terre, convaincu de trouver le repos dans la cité fantôme, fut immédiatement sollicité par des caravaniers charriant encens, myrrhe et tissus. Accompagnée de Madame Gallerini et de trois fellahs, je me dirigeai à l’ouest des décombres où nous attendait le majestueux portique du temple construit par Séthi I et son fils, Rhamsès II .
L’édifice, qui bourdonnait comme une ruche en été, cachait un groupe d’ouvriers et d’archéologues français qui s’affairaient dans une incroyable effervescence. Surprises de rencontrer en ces lieux des êtres de chair et de sang, nous nous enquîmes du commanditaire de cette ample opération. Un jeune homme souriant au visage couvert de poussière, Monsieur Dumont, se présenta aussitôt, et nous apprit que depuis trois ans, Auguste Mariette en personne dirigeait les fouilles, qui touchaient à leur fin. Devinant à notre désarroi que nous hésitions à poursuivre plus avant notre visite, qui risquait de perturber les travaux, il s’empressa de s’offrir comme guide. Nous acceptâmes avec joie, même si je dois avouer qu’à cet instant, je songeai à l’inoubliable plaisir que nous aurions eu à écouter revivre les murs du temple par la bouche même d’Auguste Mariette.
L’intérieur de l’édifice témoignait d’un tel état de conservation que l’on aurait pu penser que les ouvriers qui nous avions sous les yeux avaient réalisé les splendides fresques qui ornaient les murs. Le temple entier rayonnait par sa symétrie et sa sobriété, qui mettaient en valeur les éléments décoratifs, la profusion et la profondeur des couleurs. Pendant que nos fellahs se mêlaient joyeusement à la main d’œuvre du chantier, Monsieur Dumont nous mena dans les deux salles hypostyles. Madame Gallerini, qui s’était emparée de mon bras, marchait si près de moi que je sursautai parfois au frôlement de ses jupes. J’admirai la délicatesse avec laquelle, les yeux fermés, elle effleurait le relief des hiéroglyphes. Penser qu’il y avait de cela tant d’années, des scribes et des ouvriers avaient couvert les parois d’écriture, jour après jour, transformant le temple en livre monstrueux, me laissait pensive. Je me sentais misérablement humaine face à une telle démesure et un tel acte de foi.
Par une travée fraîchement déblayée, nous gagnâmes l’une des chapelles sanctuaires dédiée à Osiris. Madame Gallerini, muette devant tant de magnificence, appuya sa tête au creux de mon épaule. Plus notre guide parlait, plus les signes sacrés absorbaient ses paroles pour prendre vie, racontant eux-mêmes l’histoire magique de l’Amenti. Quand il se tut, je lui demandai ce qu’il y avait au fond de la chapelle, car il me semblait deviner un passage. Il bafouilla, apparemment embarrassé. Le fond de la chapelle donnait sur le complexe d’Osiris, dont la première salle, accessible par ce chemin, était appelée la salle des mystères. Il n’était pas autorisé à nous montrer cette partie du temple, mais sous le sceau du secret, il se laissa convaincre sans grande difficulté. Nous pénétrâmes à sa suite dans la pièce condamnée, somptueusement décorée. Sur la droite s’ouvrait une chapelle dédiée à Séthi I. Nous y découvrîmes un autre bijou du complexe d’Osiris, les fresques, presque intactes, habillant les murs d’une royale parure.
A suivre...
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