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29 avril 1923 | Naissance de Cristina Campo

Publié le 29 avril 2011 par Angèle Paoli
Éphéméride culturelle à rebours

Le 29 avril 1923 naît à Bologne Cristina Campo, de son vrai nom Vittoria Guerrini.
Portait de Cristina Campo
Image, G.AdC

LA MYTHOLOGIE DES ORIGINES

  « Elle naît le 29 avril 1923 et elle est baptisée Vittoria, Maria, Angelica, Marcella, Cristina. Ses parents et ses amis l’appelleront toujours par son nom d’état civil : Vittoria Guerrini, mais pour tous les autres, c’est Cristina Campo. Pour écrire, elle s’est cachée sous de nombreux pseudonymes (« Je suis douée pour trouver des noms », disait-elle), mais ce dernier est dès le début celui qu’elle préfère. Apparu très tôt, en 1950, et endossé avec solennité, telle une tunique blanche, pour entrer en littérature comme on entre en religion. Une fois au moins, des années plus tard, elle aura la tentation de signer Campo tout court : « Ne trouvez-vous pas que parler ainsi, c’est déjà le commencement d’Auschwitz ? » écrira-t-elle en 1962 à Alessandro Spina.
  « Devinez d’où je viens, en ce dimanche de juillet étouffant ? De l’ordination sacerdotale de notre diacre allemand… J’ai pensé à vous pendant la cérémonie. Assister à l’accomplissement d’un destin — et d’un destin sacré — est un merveilleux privilège. »
  Son père et sa mère descendent de familles d’origine sociale différente. Les Guerrini viennent du monde agricole romagnol. Pendant des générations, ils ont été fermiers dans les grands domaines de la région de Faenza, jusqu’au moment où le grand-père de Cristina, Pietro Guerrini, entre dans une famille de riches propriétaires terriens en épousant la fille du patron, la comtesse Beltrude Abbondanzi, plus âgée que lui de quinze ans. À sa mort, il héritera du patrimoine et des terres. Près de Faenza se dresse encore la belle villa des Sirènes des comtes Abbondanzi, où naissent, après la mort de Geltrude, les six enfants de Pietro Guerrini et d’Antonia Santucci, une jeune fille de Ravenne épousée en secondes noces : deux garçons, Guido, le père de Cristina, puis Ulisse, et quatre filles, Emma, Silvia, Adelaïde et Anna. Ils grandissent tous à la campagne. Et même s’ils sont obligés, en 1906, une fois le patrimoine des Abbondanzi dilapidé, de s’installer à Bologne, ils reviennent longuement, chaque été, dans ce qui reste de leurs terres. Pendant toute sa vie, Guido Guerrini éprouvera une très forte nostalgie pour les lieux de ces années d’enfance : le grand parc de la villa, les jeux d’eau, le labyrinthe de buis, les écuries, le pavillon de chasse. « Nous autres Romagnols… nous pouvons élever notre esprit, mais notre âme reste paysanne, ou du moins campagnarde, écrit-il dans son journal intime. Nous sommes des primitifs non civilisés. Notre moi ne se sent lui-même qu’au contact des champs, des bois, du soleil pur, de l’eau de source. » Cristina aimera beaucoup son côté paysan.
  « Mon père m’a invitée à une promenade à la campagne, et je n’ai pas pu refuser ― parce que mon père est l’un des derniers à savoir avec précision les noms des choses (c’est-à-dire à posséder encore une réalité). Ce soir j’ai mal à un genou, mais je sais parfaitement distinguer les trilles du pinson de ceux de la fauvette à tête noire, le cri de la pie-grièche de celui de la mésange. »
  La famille maternelle, les Putti, est l’une des plus illustres de Bologne […]
  Aux yeux de Cristina, ses parents seront pendant toute sa vie l’emblème du bonheur conjugal. Une situation qu’elle observera toujours, chez les autres, avec une sorte d’avidité participative. Comme au seuil de quelque chose.
  « Parlez-moi de votre famille. Ici aussi je ne fréquente qu’une seule famille heureuse ― celle de notre médecin ― et je me réchauffe et je me rassasie en quelque sorte avec leurs joies et de leurs peines — comme ces gamins de Rimbaud — vous vous souvenez ? — le nez collé aux grilles du fournil (pendant que derrière eux, dans le froid de la nuit, "leur chemise tremblote/ au vent d’hiver". Il en est de même pour nous tous, vagabonds et apatrides, sans état civil précis. »
  Cristina Campo a très peu écrit sur ses parents, et pourtant ils sont toujours là, au centre de la vaste cathédrale de son enfance. Transformés dans le souvenir en figures pour toujours parfaites, en gestes absolus. Un kimono lilas, un teint de velours, une main gantée qui effleure sa nuque, une bague avec quatre perles sur un frêle annulaire, un crayon qui bat la mesure sur les grandes pages des partitions, une canne de promenade portée comme une épée, avec la dragonne enfilée dans la poche du pardessus. Il reste d’eux quelques photographies sauvées par Ernesto Campajolo, l’un des beaux-frères de Guido Guerrini. Nous sommes en 1918, au temps des fiançailles… »

Cristina De Stefano, Belinda et le monstre, Vie secrète de Cristina Campo, Éditions du Rocher, 2006, pp. 11-12-17-18. Traduit de l’italien par Monique Baccelli.



CRISTINA CAMPO

■ Cristina Campo
sur Terres de femmes

→ 17 septembre 1883 | Naissance de William Carlos Williams (extrait des Impardonnables de Cristina Campo)
→ 8 mai 1972 | Cristina Campo, Lettre à Mita
→ Sindbad (extrait du Tigre Absence)
→ (dans la galerie Visages de femmes) Les Impardonnables (extrait)

■ Voir aussi ▼

le site Cristina Campo, site (en italien) créé par Arturo Donati
→ (sur le site du Matricule des Anges) Lettres à Mita (article de Richard Blin, paru dans le N° 072, avril 2006)
→ (sur le site de la Revue Nunc) « Cristina Campo, mystique absolue, ou la recherche de la sprezzatura », par Réginald Gaillard
→ (sur Lettre(s) de la Magdelaine de Ronald Klapka) Cristina Campo, sotto vero nome : sprezzatura (8 mars 2006)
→ (dans Le Monde du 3 mars 2006) Les incendies d'une mystique, par René de Ceccatty [Word, .docx]



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