Céline et Wölffli, deux types qui travaillent…
L’image qui se dégage en somme de toutes les images que reflètent les documents et les témoignages que rassemble le formidable recueil de D’un Céline l’autre, est celle d’un type qui travaille.
Quand je ne sais plus qui, peut-être bien Louis Pauwels, lui demande ce qui le caractérise, Ferdine répond avec impatience qu’il travaille, lui, tandis que les autres ne foutent rien. Voilà tout.
C’est ce que dit aussi sa fille Colette : qu’il travaillait tout le temps, même s’il était bien chic avec elle, c’est ce que disent aussi Elizabeth Craig, Marie Canavaggia et Lucette Almanzor, ces femmes à qui on ne la fait pas, et c’est ce qu’on se dit devant n’importe quelle page de Céline, n’importe quel paragraphe de Céline oui n’importe quelle phrase de Céline, jusque dans la moindre de ses lettres : que c’est là du travail, nom de sort quel beau travail ! Et c’est tout.
Mais il faut voir le détail puisque ce n’est pas du travail pour rien : de la dentelle ancienne, comme la travaillait sa mère qui savait, avant lui, distinguer la valencienne de l’alençon et du bruges, et du coup j’entends le géant Wölffli ronchonner dans son coin à lui, Adolf Wölffli que ne devait pas connaître le docteur Destouches mais qui lui ressemble dans sa façon de travailler le détail et d’empiler les pages de son journal : « Ch’muss’schaffe ! », je dois faire quelque chose maintenant, j’ai à faire, il faut que je fabrique quelque chose, moi,comme lorsque Céline, après un quart d’heure à les écouter blaguer, plaquait là Gen Paul et Marcel et les autres, pour se remettre à la Chose.
Mais qu’est-ce qu’il fabrique celui-là ? entend-on ronchonner dans la nuit. Tout un chœur qui s’interroge et s’inquiète de cette loupiote allumée là-haut à point d’heures, sur la colline aux cabots, mais que diable peut-il encore fabriquer ?
Images : Louis-Ferdinand Céline, Adolf Wölffli.