| PARFOIS ELLE TEND LE BRAS |
Délires son délire d’avant-mort
de presque morte
tête menue d’oiseau abandonnée
au linceul du lit
blancheur douloureuse sans forme ni éclat
muscles tendus de l’avant-mort
visage éteint
ouvert sur un temps autre sans frontière
sans limite au sommeil éternel
yeux clos sur une absence
d’horizon et de temps
parfois elle tend le bras
à cru dans le vide
tente d’attraper de la main des lucioles
ballet d’oiseau décharné air absent
elle voit
que voit-elle
regard de moineau mort
posé sur portée invisible
lèvres affaiblies dans le non-sang
happe insectes volants
par myriades
torpeur des jours sans fin ni commencement
elle balbutie
des mots à elle
par cohortes
annone marmonne murmure peut-être prie
non ponctue
hochements de tête lèvres mues
sans accroche
sur l’avant-mort
elle dit
pourquoi ce capiton rouge dans mon cercueil
je n’ai pas demandé de capiton rouge
enlevez ce capiton rouge
il me brûle les yeux il me brûle la peau
elle dit
pourquoi ta fille n’a-t-elle pas chanté
à mon enterrement
pourquoi
elle aurait pu chanter
le jour de ma mort
elle dit
pourquoi ne venez-vous pas
cela fait tant de temps
que vous n’êtes pas venus
vous m’avez abandonnée
ici
où suis-je je ne sais pas
elle dit
mon frère est venu lui
comme il est aveugle
il s’est fait accompagner
par un ami infirme
qui ne peut plus marcher
elle dit
nous la regardons
sans comprendre
lèvres figées douleur sans réponse
elle a rejoint des confins funambules
franchi une frontière
fil invisible de saute-menue
erre dans le labyrinthe des mots
et des morts
ballet de la main qui feuillole dans l’air
à la recherche de lucioles sans retour
sans complainte
elle nous laisse de l’autre côté du fleuve
dans un arrière-monde
s’éloigne
dans sa nuit sans force
yeux clos
sur son avant-mort.
Angèle Paoli
D.R. Texte angelepaoli
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