Magazine Journal intime

J’ai testé « Groseille parmi les Le Quesnoy »

Publié le 06 février 2008 par Anaïs Valente

 
J’y traîne un pote de longue date, au moyen d’un chantage honteux et de la promesse qu’il y aura à boire et à manger, le tout gratuitement mon cher.  Nous n’arrivons pas à l’heure, histoire de ne pas faire office de premiers péquenots paumés dans une salle déserte.  Je suis allée consulter le site internet de l’opération, pour me faire une petite idée des membres, et j’ai frémi d’horreur : on dirait les anciens de l’école que j’ai fréquentée en mon jeune temps, les mêmes têtes, les mêmes look, quelques rides en plus.  « Sois forte Anaïs, tu vas t’en sortir ».
 
Nous n’arrivons pas premiers, ouf.  Après avoir traversé un long couloir, je décline mon identité à l’accueil, passque je fais partie des VIP my dear.  Mais pas les VIP Le Quesnoy, ceusses qui viennent d’un célèbre groupe de presse.  Moi chuis une VIP Groseille.  Les VIP Le Quesnoy, ils ont droit à des boissons offertes.  Les Groseille pas.  J’eus pu faire croire que je faisais partie de la team presse, mais j’aime pas mentir.  J’achète donc des tickets boissons pour mon pote et moi.  Les boissons sont annoncées à partir de 2 eur.  Pas cher.  Sauf qu’il est impossible d’acheter un seul jeton boisson.  C’est cinq minimum, ma bonne Dame, pas le choix.  Glups.  J’obtempère silencieusement, ici on est dans le grand monde.  On aura donc cinq boissons pour deux, pas une de plus.  Chuis pas crésus hein.
 
Nous pénétrons ensuite dans l’antre sacrée.  Ambiance chic gothique.  Un DJ mixe de la musique de djeuns.  Le site internet parle d’une ambiance années 80, j’imagine que ce sera après le repas.  Plusieurs groupuscules squattent déjà les tables noires où l’on se tient debout, sortes de cubes haut perchés (en d’autres termes pas des cubes, mais plutôt des rectangles en 3D, ça doit porter un nom mais lequel ?) décorés de bougeoirs noirs.  Noir c’est noir.  Une jolie déco.  Sobre.  Raffinée.  Des canapés noirs et des tables basses blanches décorent l’aire de repos, seconde pièce vouée à la restauration et au calme (relatif).  Des canapés et des tables de chez Ikéa… Oups, c’est cheap ça.  Indigne ?  Sans doute.  Question de budget ?  Sans doute.
 
Pour me donner une contenance, je lis la carte.  Waw y’a du champagne.  Waw c’est 4 jetons la flûte en plastique, soit 8 eur.  Pas cheap ça.  Nous nous contenterons d’un verre de vin blanc.  Eh oh, c’est moi qui régale, faut pas pousser.  Puis le blanc ça contient pas de bulles, donc je ne ballonnerai pas.  Et puis c’est alcoolisé, ça va neutraliser mes neurones et me faire passer une bonne soirée.
 
Je scrute la foule de plus en plus présente : sacs Vuitton, sacs Longchamps, costumes cravates, robes très classes, que du beau monde.  Oups, un homme à casquette et baskets, mais que fait-il là ?  Sans doute la même chose que moi. 
 
Un grand brun ténébreux s’approche de moi.  Youpie, je l’avais lu que ce type de soirées permettait de faire des rencontres agréables.  Il se penche jusqu’à mon oreille et me susurre « Mademoiselle » (bon point pour lui) « le buffet est servi ».  Raté.  Mais ça tombe bien, j’ai faim.  Et en entendant « buffet », mon estomac s’est réveillé et s’est mis à rêver (il rêve éveillé mon estomac, il est intelligent) caviar, saumon, homard, foie gras… On est dans le grand monde ici ma bonne Dame, le buffet promet d’être somptueux.
 
Afin de ne pas passer pour des goinfres, nous ne nous précipitons pas immédiatement audit buffet.  Nous attendons trente secondes, au péril de nos vies, car, avec le vin blanc, l’hypoglycémie menace.  Le buffet est… surprenant de sobriété : un plat de riz.  Servi dans de minuscules assiettes en carton.  A manger avec des baguettes, ça doit être une mode parisienne.  Ça me rappelle encore mon école d’antan, et son opération annuelle dite « bol de riz » : un bol plein de riz, un soupçon de sauce tomate, le tout vendu au profit d’une région du tiers-monde, Ethiopie, Soudan, Flandre, je ne sais plus trop.  Bon, ici, le riz est agrémenté de quelques grammes de poulet gras, de maïs orange (ça doit être l’ambiance tamisée qui leur donne cette couleur, à moins que ce ne soit la transgénie), et il est bon.  Très bon.  Frugal mais bon.  On a même deux sauces, quel luxe : la sauce à l’huître ou la sauce pour poule… j’hésite longuement.  Manger mes vingt-trois grammes de riz me prend plus d’une demi-heure, les baguettes, c’est pas ma tasse de thé, mais je me plie au jeu.  Et je bois du vin, ça noie mes doutes.
 
Nous entamons ensuite diverses conversations avec plusieurs personnes, d’où il résulte que toutes trouvent la soirée hypra géniale, méga sympa, hyper cool, et j’en passe au niveau superlatifs.  Un succès, ces soirées !   Des groupes de potes s’offrent des délires au champagne, dont les bouteilles sont gardées au frais dans de grands saladiers de chez Ikéa (c’est nin possip’, ils sont sponsorisés).
 
Nous nous installons à une table un peu isolée, d’où j’ai une méga vue sur la foule en délire qui commence à se trémousser sur la musique, dont le volume sonore s’est largement accru.  J’attends impatiemment la musique des années 80, afin d’entrer pleinement dans l’ambiance.  Love is gone, David Gueta.  J’attends.  Générique Star Ac.  J’attends.  Please don’t stop the music, Rhianna.  J’attends. Comme Sœur Anne, je ne vois rien venir.  Je ne danse donc pas mais continue mon périple observatoire.  Je ris énormément, avec mon pote.  La faute au vin blanc.  Je m’amuse.  J’observe.  Je ris.  En bonne Groseille, j’utilise mon dernier jeton pour un dernier verre de vin blanc, que je partage avec mon pote, en faisant délicatement couler la moitié du contenu de mon verre dans le sien, tandis que toute la foule qui nous entoure se gave de litres de champagne.  Je me sens Groseille de chez Groseille.  Mais j’assume. 
 
Nous décidons de partir avant le tirage au sort qui permettra à un petit veinard de gagner six bouteilles de champagne.  Tirage au sort effectué parmi les cartes de visite déposées à l’accueil.  J’ai déposé la mienne, rose glamour et toute chiffonnée, que j’ai retrouvée dans le fond d’un tiroir plein de miettes de croissant.  Si je gagne, sûr que je n’oserai pas aller chercher mon prix devant tous ces gens plus chic, plus riches, plus intelligents, à meilleure situation, meilleur job et meilleur statut social que moi.  Alors on s’en va.  No regrets. 
 
En partant, j’entends les premières notes d’un remix de « Pump up the jam », Technotronic.  Années 80 (ou 90, peu importe).  Dommage.  Ça j’aime. Trop tard.  Regrets.
 
Avant de rentrer faire dodo, on se prend une frite mayo au fritkok du coin.  Me voilà dans mon élément.  « Une frite et une fricadelle sauce andalouse siouplait ».
 
Verdict : j’ai passé une soirée géniale, mais rien à faire, je serai ad vitam une Groseille.  C’est grave docteur ?
 Une illu d'Isacile pour représenter l'anti-groseille.sac

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