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Conte de la toile (3)

Publié le 02 mai 2011 par Adamante

 

c'est comme chat huile 65x50

C'est comme chat huile sur toile 65x50 (collection privée)


Il pleut ce soir, que m’importe, mon canapé m’attend et mes esprits fidèles me signifient qu’il est l’heure d’ouvrir le livre d’histoires pour les endormir.

Je sais qu’ils n’ont pas besoin de ça, que ce n’est qu’un prétexte pour se lover tout contre moi et m’écouter parler. Je le sais bien, mais je joue le jeu, ça me plaît bien à moi aussi, c’est bon parfois de se faire dupe.

Le livre, maintes fois ouvert au hasard, s’ouvre tout seul ce soir.

La tête d'un géant

Appuyée sur le mur

Observe l'horizon

Silence minéral d'une architecture improbable

Tout semble de guingois

Mais ça tient

C’est solide

Fait pour résister au vent et à la tempête…

La page en vis-à-vis, toute lumineuse, semble plaire à mes protégés, je vois l’image se refléter dans leurs prunelles bordées d’or.

Facettes irisées

Explosion d'univers

À la recherche des formes

Des cercles tentent d’englober des droites

Et des triangles un peu perdus

Semblent attendre l’œil qui doit les allumer.

Que de figures dans ce monde coloré.

Je ferme les yeux, de l’Egypte à la Maçonnerie, des symboles défilent.

Tous plus parfaits les uns que les autres. Mais je le sais, la perfection n’existe pas.

Le monde se cherche, s’équilibre en permanence. Le symbole n’est là que pour nous guider dans notre quête d’harmonie.

Une patte impatiente, vaguement aiguisée, touche ma joue et me rappelle à la lecture.

Le livre a glissé et s’est refermé.

C’est trop tôt, je l’ouvre au hasard.

Voilà une page froissée.

Les yeux des Esprits s’ouvrent grands. Je lis dans leurs pensées, je sais que l’idée de la boulette ensorceleuse les fait frémir d’excitation, ils sont prêts à bondir.

Je leur explique que ce n’est qu’une image et qu’il est bien trop tard, que ce jeu est un jeu du matin, et que demain, promis, nous jouerons.

Un peu déçus ils se détendent.

Le papier me raconte l’histoire de son sauvetage.

Ce porteur de poésie asséchée a bien failli finir dans la cheminée, consumé par une allumette, mais… heureusement il y a un mais. Un mot à glorifier.

 

Parchemin défroissé

La corbeille se vide

Le crayon escalade ses monts

Glisse dans ses vallées

Douceur de la découverte

Soudain le mot prend place

L'idée de précise

Ce que l'on croyait mort

Vide de sens, rejeté

Respire

Le souffle est là

Création

Œuvre d'art

Un mot m’apparaît écrit dans les replis de cette géographie hasardeuse...

je crois y lire :

"silence".

Mais c’est si ténu, si discret que je me demande.

Seul un enfant pourrait y lire ce qui s’y cache.

"Anne ma sœur Anne ne vois-tu rien s’écrire ?"

Mais je ne suis plus tout à fait une enfant et il est vraiment trop tard pour continuer à se poser des questions qui, de toute évidence, n’auront pas de réponse ce soir.

Je ferme le livre

Je tire les rideaux

Il est grand temps d’aller dormir.

©Adamante


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