L'Académie française en quête d'immortels

Publié le 06 février 2008 par Lauravanelcoytte

Mohammed Aïssaoui
05/02/2008 | Mise à jour : 22:48

ILS EN RÊVENT. Après une grande carrière politique, Edouard Balladur (à gauche) se verrait volontiers siéger sous la Coupole. Gonzague Saint Bris (au centre), qui a déjà subi une défaite, se représente jeudi. AminMaalouf aurait voulu représenter la francophonie au sein de l'Académie, mais en signant un manifeste pour un «acte de décès de la francophonie», il a perdu ses soutiens. (Photos : P. Delort/Le Figaro, Sipa et P.Matsas/Opale)

Six sièges sont à pourvoir, dont deux jeudi. L'occasion de donner un nouveau visage à l'institution. Avec plus d'écrivains, de jeunes, et de femmes ?

On a rarement vu cela : jeudi, il y aura une double élection à l'Académie française, et le mois prochain, encore un nouveau vote. Deux fauteuils sont à pourvoir ce 7 février : ceux d'Henri Troyat et de Bertrand Poirot-Delpech. La prestigieuse institution n'a jamais autant été décimée. Aujourd'hui, trente-quatre sièges sont occupés sur les quarante (trente-trois si l'on tient compte du cas Robbe-Grillet : élu, jamais reçu). C'est que depuis l'an 2000, dix-sept immortels sont décédés ; l'année 2007 ayant été particulièrement brutale avec la disparition de six académiciens. Leurs remplacements offrent à l'Académie, créée en 1635, la possibilité de se donner un nouveau visage. Hélène Carrère d'Encausse œuvre dans cette direction. Comment ? Trois questions se posent.

Faut-il renforcer le poids des ­littéraires ? Certains des 34 membres les écrivains en tête aimeraient voir un peu plus d'hommes de lettres. Dans les coulisses, on s'agite : Patrick Modiano a déjà refusé. Sous prétexte que Le ­Clézio n'a pas dit non de façon définitive, les académiciens ne désespèrent pas de le voir un jour. Pascal Quignard et François Taillandier ont été plus ou moins sollicités. Patrick Rambaud aurait toutes ses chances. Il faut savoir également que les prix littéraires décernés par l'Académie française jouent un rôle d'indicateur. ­Hélène Carrère d'Encausse n'a-t-elle pas affirmé que cette récompense n'est jamais accordée par hasard ? Si on veut bien la croire, il ne serait donc pas étonnant de voir siéger Vassilis Alexakis, François Taillandier, Patrick Rambaud, Paule Constant… Tous sont lauréats du grand prix du roman. De son côté, Alain Decaux aime à rappeler que le rôle de l'Académie est, aussi, de bâtir un dictionnaire : «Je reste un traditionnel, et fidèle à l'esprit du cardinal : il faut qu'il y ait des représentants de toute la société.» Selon lui, ce qu'il manque aujourd'hui, c'est un ecclésiastique et un homme de cinéma. André Téchiné avait déjà postulé. On parle de Pascal ­Thomas. Tous doivent participer à l'immense chantier du dictionnaire. Avec Valéry Giscard d'Estaing, l'historien aimerait bien mettre sur place une «commission grammaire». Avis aux amateurs.

Quelles femmes séduire ? Marguerite Yourcenar, première femme élue à l'Académie française en 1980, résumait parfaitement l'atmosphère au sein de la Coupole : «une bande de vieux galopins se réunissant tous les jeudis pour plaisanter ensemble». N'empêche que la bande en question souhaiterait plaisanter avec un peu plus de femmes. Depuis Yourcenar, seules Florence Delay, Jacqueline de Romilly, Assia Djebar et Hélène Carrère d'Encausse ont trouvé place, cette dernière assurant le poste influent de secrétaire perpétuel depuis 1999. Jeudi, ­Dominique Bona, qui postule au fauteuil d'Henri Troyat, a toutes ses chances. À l'avenir, pourquoi Mona Ozouf, Marie Nimier, Paule Constant ou Diane de Margerie ne seraient-elles pas admises à un fauteuil ? Leurs noms ont été évoqués. Un autre nom circule avec insistance : celui de Simone Veil. Le parcours, la stature de la ­femme d'État, sa notoriété plaident pour elle ; certains trouvent qu'il aurait fallu l'accueillir plus tôt. Acceptera-t-elle de se porter candidate ?

Doit-on «recruter» davantage de jeunes ? Le débat sur l'âge qui a cours à l'académie Goncourt va-t-il toucher l'Académie française ? Pour le moment, la question ne se pose pas. Après tout, Edmond Rostand n'a-t-il pas été élu à 33 ans, et, plus près de nous, Jean d'Ormesson a été reçu à 48 ans. «L'âge n'a pas tellement d'importance… , estime Erik Orsenna (61 ans en mars), mais ce serait bien que je ne sois plus le plus jeune académicien. Ce que je suis depuis mon élection en 1998.» L'âge ne sera jamais un facteur décisif sous la Coupole, il n'en demeure pas moins que les immortels lorgnent vers de fringants cinquantenaires…

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