Je sais qu’il est difficile de lire un texte rempli de fautes. Pour certains, cela relève même de l’impossible : les mots torturés sont l’obstacle à la compréhension du texte. Moi, je corrige automatiquement, mon oeil ne bute pas avec exaspération sur des fautes parfois énormes. Parfois je me dis que la personne a des lacunes, mais ça n’empêche pas de lire ces gens : parce que derrière les fautes, il a toujours des gens ! Des personnalités, des vies, des existences, des envies, des idées et même du génie…
Se borner à ne pas lire un texte rempli de fautes, c’est se borner littérairement à une certaine élite intellectuelle. C’est occulter une partie de la société qui fait des fautes. Parfois, c’est horrible ! monstrueux, mon Dieu comment ces gens ont pu avoir le bac… et parfois ces gens n’ont pas eu le bac. Mais ça n’enlève pas la valeur qu’on leur écrit. En tout cas, pas à mes yeux.
Je ne parle pas des kikoolol ou du langage SMS, je parle de mots écrits parfois avec un réel esprit mais qui n’ont pas la forme communément admise. Je parle de la littérature brute. Comme on parlerait de l’art brut. Celle qui sort sur un coup de tête, sans parfois vraiment y réfléchir, celle qui est enfantine dans sa forme, mais profondément adulte dans son sens.
Je ne suis pas une ayatollah de l’orthographe, de la grammaire, de la concordance des temps… Ca m’arrive de faire des fautes. Quand j’écris un texte et que je le balance sans le relire. Je ne me relis pas parce que ce n’est qu’une divagation de l’esprit, un texte qui est sorti comme ça et dont j’ai besoin de me débarrasser. Je clique sur publier et le voilà parti, avec ses fautes, avec ses incohérences. Parfois, mon homme repasse derrière en me grondant d’avoir fait « autant de fautes« , c’est lui qui corrige. Moi, c’est rare que j’y retourne. En fait, dans ces cas-là, c’est rare que je me relise tout court.
Evidemment, je peux comprendre que certaines personnes s’offusquent de fautes graves (y’a un robot sur Twitter qui corrige automatiquement les fautes les plus courantes… et ça sert à rien de lui dire que si tu mets qu’un N à connaissance c’est parce qu’avec 2 ça rentre pas dans 140 caractères !), mais je ne comprends pas qu’on puisse volontairement se borner à ne lire que des textes « corrigés dans les formes », c’est se priver d’une forme de création brute (dont nait souvent de belles idées) pour s’enfermer dans une littérature polie éditée/corrigée/prête pour l’Académie…
Moi, j’adore l’art brut, et forcément, j’adore aussi la littérature brute. Parce que c’est aussi une recherche, un questionnement. Que les brouillons ont aussi leur beauté. Et l’oeuvre peut être finie sans être parfaite. J’ai lu certains textes très touchants remplis de candeur et de fautes, comme ceux des enfants, ça ajoute bien souvent à leur charme. Tout n’est pas forcément digne d’intérêt (mais l’intérêt n’existe que si on le porte à quelque chose !), mais tout est littérature. Même les fautes d’orthographes.