5 mai

Voilà, c’est encore un anniversaire. Un an déjà depuis ce jour où je t’ai retrouvée au petit matin. Tu m’attendais, seule près de cette station de métro, j’étais en retard, il faisait froid.
Ta nuit avait été calme, rien d’étonnant pour un mardi soir. Tu me l’as racontée, je n’ai pas envie d’évoquer cette vie interlope que tu préfères oublier, que tu subissais en riant parce qu’il fallait bien la supporter. Tu vois, je n’ai rien oublié. Je revois encore le boulevard Saint Marcel, que je ne reconnaissais pas tant il avait changé depuis l’époque où je le fréquentais, puis les quais jusqu’à chez toi. Je n’étais pas très fier de t’avoir rejointe dans ces conditions, mais j’admettais qu’il fallait bien que tu paies ton loyer, et moi j’étais incapable d’y subvenir. Avec le temps qui a passé, j’ai un peu honte d’être venu, mais je ne le regrette pas, à cause du moment que nous avons connu là.
Ce fut un des éphémères instants de bonheur que nous avons partagés. Il est loin, comme les autres. J’entends encore ta voix quand tu chantais au téléphone. Oui, c’était un autre anniversaire. Je me sentais un peu intrus, mais c’était à moi, pourtant, que tu avais demandé de venir ce matin là.
Te souviens tu que plus tard, ce jour, je t’ai dit « Si je mourais subitement, tu ne le saurais même pas… Mais pourquoi je te dis çà ? C’est un truc qui me passe par la tête ». Te souviens tu que le lendemain je t’ai raconté m’être endormi au volant ?
Moi, je n’ai pas oublié. Nous sommes sortis de la vie l’un de l’autre, il ne reste que ces souvenirs, et les malheurs qui ont suivi quand le bonheur s’est finalement refusé, quand la raison l’a emporté. Mais aujourd’hui, rien ne compte. J’aimerais avoir le courage de surgir, de te retrouver encore à ton travail, un vrai cette fois, et de t’embrasser, plus en amant, juste en ami. Cela ne se fera pas, évidemment. C’est ce que je regrette, et plus tout le reste.
La seule personne au monde qui pourrait comprendre ces mots ne les lira pas. Et j’aime peut-être autant qu’il en soit ainsi.