Tels Alain Bashung : de l’hommage à l’héritage (Avril 2011-Barclay)

Publié le 06 mai 2011 par Routedenuit

C’était il y a un peu plus de deux ans maintenant. Le 14 mars 2009, Alain Bashung avait soufflé ses dernières volutes, emportant avec lui un pan entier de ce que la musique française avait pu faire de mieux jusqu’alors. L’histoire venait de prendre un virage, de ceux qu’on n’a pas vraiment le temps d’anticiper. En 2011, Barclay, le dernier label de Bashung propose à douze artistes francophones de reprendre un de ses titres sur une compilation hommage.


Je me souviens de scepticisme quand les premiers noms sont sortis. On parlait à l’époque des BB Brunes, de Raphaël, de Gaëtan Roussel… mais aussi de Christophe, de Stephan Eicher ou de Keren Ann. Je naviguais donc entre une espèce d’angoisse non dissimulée, et une certaine curiosité. Une curiosité de voir ce que ces gens qui l’avaient fréquenté de plus ou moins loin feraient de cet héritage. L’angoisse de me dire que Bashung ne serait plus jamais chanté par lui-même… Tous ces hommages qui fleurissent en musique à la mort des idoles me laissent généralement un goût amer, parce que ce n’est ni plus ni moins qu’un moyen de renflouer les caisses d’une industrie qui se laisse mourir, enfermée dans ses contradictions. Mais passons, nous sommes là pour parler de musique.

Cette compilation était particulièrement attendue pour beaucoup de raisons, mais particulièrement parce qu’elle proposait le dernier morceau enregistré par Noir Désir, avant que le groupe ne se sépare. D’autre part, on peut aussi retrouver cette fameuse « nouvelle génération », qui rencontre un certain succès tout en collaborant régulièrement avec les plus vieux.

TELS ALAIN BASHUNG

1. Aucun express, Noir Désir
2. J’passe pour une caravane, Gaétan Roussel
3. Madame rêve, -M-
4. Ma petite entreprise, Benjamin Biolay
5. Je fume pour oublier que tu bois, Keren Ann
6. Angora, Vanessa Paradis
7. Volutes, Stephan Eicher
8. 2043, Dionysos
9. Alcaline, Christophe
10. Gaby oh Gaby, BB Brunes
11. Osez Joséphine, Miossec
12. Apiculteur, Raphael

Parmi les grandes réussites de ce disque, on retiendra Christophe, Noir Désir et Stephan Eicher. Alcaline par Christophe est sans doute le titre le plus émouvant de l’album tant on retrouve cette atmosphère inquiétante-envoutante de l’album Novice, sorti en 1989, qui allait marquer le début d’un nouvel élan dans la carrière de Bashung. L’élan qui le mènerait vers la violence et l’euphorie de Fantaisie Militaire et la noirceur de l’Imprudence. La voix de Christophe sur ce texte rappelle nécessairement les grandes heures de celui qui a été un des meilleurs amis de Bashung au début… Aucun Express est le dernier titre que Noir Désir a enregistré avant de se séparer. On retrouve une forme de solennité, entremêlée d’une sobriété quasi-austère qui convient parfaitement à cette messe que chante Bertrand Cantat à cet artiste qui l’a tant inspiré. Pour finir, Stephan Eicher reprend Volutes, avec ces chevaux haletants que l’on imaginait courir dans un désert de vide. Il a le charme de l’étranger qui s’aventure sur les terres d’un autre, avec ce respect coutumier qui l’a probablement incité à observer, reproduire puis s’approprier l’univers de Bashung, pour en faire un morceau délicieux.

Les reprises de Keren Ann, Biolay, Dionysos et Vanessa Paradis ne sont pas franchement bouleversantes même si elles sont relativement efficaces dans ce qu’elles proposent. Elles ne sont pas d’une originalité transcendante même si Keren Ann tire son épingle du lot, en proposant une reprise efficace du sulfureux Je Fume Pour Oublier Que Tu Bois, surfant sur les inspirations électro de son récent album 101.

Pour finir sur une note un peu moins positive, -M- est relativement stressant sur le cultissime Madame Rêve en imposant comme à son habitude des fioritures dont on doute de l’utilité. D’autre part, Raphaël passe complètement à côté de l’Apiculteur en proposant une reprise parfaitement anonyme et sans saveur. Mais le pire arrive avec Gaëtan Roussel, qui chante une version de J’Passe Pour Une Caravane pour le moins exaspérante tant elle manque de subtilité.

Tels Bashung est en libre-écoute sur Deezer.