Récit d’un séjour à Athènes – Episode 2
Se balader dans les rues d’Athènes donne l’illusion de faire un voyage dans le temps.
Au détour de la place Kolonaki, je vois des dames et messieurs d’un âge respectable au style classique et élégant, et F. Ka me fait remarquer que cela ressemble à Alexandrie ou au Caire des années cinquante, celui de notre imaginaire, ce Caire d’après Guerre avec ses intellectuels et ses artistes.
En entrant dans une librairie francophile, en sortant d’un restaurant au décor et aux serveurs figés dans le temps, en marchant dans ses rues saupoudrées de l’odeur des orangers en fleurs, c’est le Casablanca des années soixante qui semble me faire un clin d’œil.
Avec la crise qui touche le pays, la ville a comme un air de Constantinople, juste avant la chute de l’Empire Ottoman.
Le Caire d’aujourd’hui et sa révolution en marche, la Constantinople d’hier en plein déclin à l’aube d’un nouveau monde…. Tout cela présage peut-être d’Athènes dans les mois à venir : une crise frappe le pays, mais je n’arrive pas très bien à en distinguer les contours. Tout cela me semble abstrait : les échoppes sont pleines, le métro est moderne et efficace, les gens semblent occupés, les prix sont similaires à ceux pratiqués à Bruxelles.
Sur la place Syntagma, le premier jour de ma visite, le soleil brille et des étudiants sont réunis. Très calmement. Seules la présence de quelques banderoles, de militaires et le fait que la scène se déroule au pied du Parlement indiquent qu’ils manifestent. Je pose la question à l’un d’entre eux, il m’explique dans un anglais approximatif qu’ils ripostent contre la « fermeture d’universités, suite à des décisions de l’Union européenne ». Cela me semble bien vague…
Dans la foule, il y a un homme beaucoup plus âgé avec des drapeaux contenant des inscriptions que je ne parviens pas à déchiffrer. Un peu plus loin, immobile, les bras en l’air, sur le haut des marches de la place, un autre vieillard…. A ma question, l’étudiant me répond que ce sont des fous. Il m’explique qu’ils sont cinq à Athènes, présents à tour de rôle à chaque manifestation…
Étonnant moment où les vieux revendicateurs sont traités de fous et où les étudiants sont si calmes…
Le lendemain, dans un commerce, le vendeur me pose des questions sur la crise politique belge et de mon côté, je lui demande comment cela va pour eux, ici… Sa réponse fuse : « We are broke ».
Je lui fais part de mes observations, que tout à l’air tranquille et de fonctionner : il me dit que les politiciens leur cachent la plupart des choses, que d’ici deux à trois ans, ils vont vraiment découvrir l’ampleur de la catastrophe.
Et il ajoute, au moment où je le quitte, qu’il me faut réaliser que tout ce que je vois ici n’est qu’illusion…
Athènes, 1er avril 2011