D’ailleurs, « Cinco de Mayo » n’est vraiment célébré qu’aux Etats-Unis. Les immigrants mexicains n’embrassent cette tradition qu’une fois passé la frontière. Ça amuse les gringos et c’est bon pour le business du sombrero.
Aujourd’hui au bureau, on a donc sorti les chapeaux ronds à midi pour un concours de la meilleure salsa. Pas la danse, je vous rassure, mais la sauce « mexicaine » dans laquelle on trempe ses chips. On aurait pu envisager un concours de margarita, également très populaire, mais la prohibition de l’alcool au bureau rend la chose plus difficile. Et puis le concours des meilleurs nachos, on l’avait fait l’an dernier. C’était donc salsa et sombrero, avec une dérogation pour le guacamole, considéré comme un « dip » (une trempette) acceptable pour les tortilla chips. Je me suis régalé de la salsa numéro 10 —tomate, onion rouge, ail, piment et citron—, tout en engageant quelques investigations auprès de mes collègues pour tenter de découvrir s’il y en avait un qui savait ce qu’on fêtait. Corona illégalement importée au bureau et salsa numéro 10 sont les seules réponses que j’obtiendrai.
Il n’y a donc que sur Wikipedia que l’on peut apprendre que le 5 mai commémore une victoire improbable de l’armée mexicaine en 1862 face à une armée française deux fois supérieure en nombre… et avant que les français ne prennent le contrôle du Mexique en 1863. En dehors de quelques célébrations dans la province de Puebla, où s’était déroulée la bataille, cette victoire militaire est tombée aux oubliettes de l’histoire pour la plupart des mexicains.
On ne sait pas vraiment pourquoi les américains se sont emparés de « Cinco de Mayo » dans leur calendrier de célébrations nationales. L’explication la plus historique serait que, sans cette victoire mexicaine, la France aurait plus rapidement occupé le Mexique et aurait été tenté d’apporter son soutien aux armées sécessionnistes américaines, changeant le cours de la guerre civile aux Etats-Unis. L’explication la plus politique serait que, comme la Saint Patrick pour les Irlandais, il fallait bien trouver une fête pour célébrer l’intégration des immigrés mexicains. L’explication la moins diplomatique serait que, après le refus de la France de participer à la guerre en Irak, la célébration de « Cinco de Mayo » à la Maison Blanche était une bonne occasion d’abandonner les French fries pour les tacos (force est de constater que le 5 mai n’est au calendrier des célébrations officielles de la Maison Blanche que depuis 2005).
Mais l’explication la plus vraisemblable est marketing, dans la tradition américaine de faire feu de tout bois pour écouler son stock de bière et de maïs. Car au final, la seule chose que tous les américains ont retenu de l’histoire, c’est que le 5 mai, on pouvait boire de la bière et manger des tortillas au bureau, avec un sombrero !