Trois ans après la sortie de leur dernier album Red (2008), les Guillemots, maîtres ès pop jazzy grandiloquente, reviennent avec Walk the River – un album très attendu par les fans et la critique qui avaient vu en eux un des groupes les plus prometteurs des années 2000. Chronique d’un album bourré d’ambitions qui ne parvient pas à décoller.
Leur premier album, From the Cliffs (2006), avait marqué les esprits par son impertinence, sa fraîcheur et sa délicieuse folie. L’incroyable voix du leader Fyfe Dangerfield portait un groupe qui explorait on-ne-peut-plus-efficacement les possibilités offertes par ses instruments : la contrebasse, les guitares et la batterie. Le tout pour nous offrir une pop décomplexée aux lumineux reflets jazzy. Bref, Guillemots, c’était la liberté. C’était la possibilité de faire du lip-synch sur The best things come from nowhere / I love you I don’t think you care, en marchant sur un trottoir de Manhattan, sous les yeux des passants atterrés. Ensuite, il y avait eu Red (2008). Symptomatique d’un virage rock virulent, l’atmosphère de ce disque était particulièrement déroutante. Tantôt intimistes, tantôt bruts et violents, leurs accords avaient déjà pris une autre couleur. Une couleur qui laissait penser au début d’une métamorphose, une transition vers quelque chose de plus sombre, de plus usé. De plus identifiable, finalement. Déjà la sensation de les perdre un peu. Vers où allaient-ils ?
En 2011, ils sortent Walk the River qui finit d’achever la transformation du groupe en une espèce d’animal hybride hésitant entre plusieurs identités, sans pour autant en assumer une seule. Ce disque est un foutoir qui laisse l’auditeur particulièrement dubitatif quant à l’évolution de ce groupe. Comme si l’originalité, la folie et l’incroyable liberté qui se dégageait du premier album les avait complètement paralysés. Comme un enfant qui traverse en dehors des clous, qui manque de se faire renverser, mais qui ressort indemne. La prostration comme une séquelle. Walk the River est un album gris. Il ne reste rien de la richesse instrumentale et sonore qui se dégageait des précédents albums. Cette rivière qui se voudrait trouble dévoile bien trop facilement son lit. Les mélodies assez peu originales peinent à dissimuler l’effet provoqué par des arrangements qui rappellent trop souvent des groupes comme Arcade Fire (dans une version cheap de Funeral). Ce disque tourne en rond. On se lasse des répétitions, qui n’apportent rien au travail si ce n’est une effroyable sensation de stagnation, alors que le groupe se cherche et s’embourbe dans quelque chose auquel il semble lui-même ne pas croire.
Walk the River est un disque incroyablement décevant. Il se noie dans une mer de déjà-vus, sans jamais vraiment réussir à apporter quoique ce soit. Ce qui aurait pu être la célébration du retour en fanfare d’un des groupes les plus prometteurs des années 2000 est malheureusement un énorme coup d’épée dans l’eau. À voir en live en espérant un démenti.