Tout à l’heure, les pompiers sont passés. Bruits intrus dans la quiétude de mon salon, disparus aussitôt le camion passé le virage.
Dans l’immeuble d’en face, les volets sont baissés à presque toutes les fenêtres, histoire de conserver la fraîcheur que le soleil, s’abattant sur la façade, tente de dérober pour se rafraîchir lui-même. Mais dans mon salon, il n’y a que le reflet de cette lumière qui me parvient.
L’écho de la rue, le reflet de la lumière. Mon salon est hors du monde et du temps. Même les plantes en haut de l’étagère ne bougent pas. La mesure est rythmée par le mécanisme de la pendule, les secondes s’égrainent, invisibles. La trotteuse a depuis longtemps cessé de marquer le mouvement, comme si elle se refusait elle aussi à voir le temps bouger.
Le temps dans mon salon ne bouge pas. Pas de courant d’air, pas d’agitation de l’horloge. La vue de la rue me donne l’impression que le monde est immobile. On pourrait se croire au mois d’août quand, vidée de tous, la ville s’étend dans une mollesse cotonneuse et interminablement chaude. Mais nous sommes au mois de Mai, nous ne sommes même pas en vacances. Un jour ordinaire.
Le monde ne me touche pas. Pourtant aujourd’hui, il se passe des choses dans le monde. Importante, il paraît. Quelques mots écrits sur le net, vu à la va vite. Un homme est mort, je n’en sais pas plus. Je m’en fiche. Certains le voulaient, d’autres parlent d’exécution sommaire. Peut-être que demain, on le ressuscitera. Je n’en sais rien. Je m’en fiche. Dans mon salon, le monde est calme. Il suffit de fermer les yeux, de se laisser bercer par le moment. Le monde n’a pas d’importance s’il est hors de mon salon. Je vis dans mon flou, chaud et doux.
(cet article a été écrit il y a une semaine exactement. Il n’est ni d’actualité, ni intemporel. Il est tout simplement.)