C’était la première fois que Francis rencontrait une danseuse du Crazy. Il ne connaissait pas encore cette espèce. Elle lui était aujourd’hui servie sur un plateau. L’occasion rêvée pour ajouter une nouvelle entrée dans son analyse des contemporains ?
Certes, au cours de ses lectures et autres activités artistico-culturelles, il avait fréquenté nombre de femmes de joie, d’hôtesses et de courtisanes. Pour un article au Nouveau Philosophe, il avait même enquêté sur les prostituées chinoises de Strasbourg Saint Denis et dressé la typologie des névroses des clients.
Il attendit que l’effervescence générale s’émoussa un peu et sauta sur sa proie. Accostée au bar, elle sirotait un cocktail, d’une paille suspendu au bout de ses lèvres rouges.
- Excusez-moi. J’observe depuis tout à l’heure vos cache-tétons. Et je me pose la question suivante : mais comment font-ils ? Ils défient les lois de l’attraction universelle.
- Vous croyez ? Bien au contraire, j’ai comme l’impression qu’ils attirent plutôt tout ce qui bouge ici.
Et elle rit, dévoilant de charmantes petites canines. Francis fut décontenancé. Normalement, son attaque frontale troublait son interlocuteur et lui donnait immédiatement l’avantage. Il changea de tactique, en essayant de soustraire son regard des seins ravissants qui s’offraient à lui :
- Au fait, bravo pour votre performance. Magnifique !
- Merci.
- Je m’appelle Francis. Et vous ?
- Cerise.
Pourquoi s’était-il écarté de la stricte méthodologie du chercheur pour la draguer ? La fille le menait ouvertement en bateau. Il s’enfonça davantage…
- Non, sans blague ? A croire que vous étiez prédestinée…
- Le secret, c’est un adhésif anallergique. Regardez.
D’un coup sec, elle ôta le cœur rose pailleté de son sein droit et dévoila un rose petit téton.
- Il pointe, c’est l’effet de la colle.
Francis déglutit.
- Vous buvez ?
- Un Singapore Sling, un triple sec avec du cherry.
- Barman, la même chose s’il vous plaît !