Magazine Nouvelles

L'incroyable destin de Clarisse Manzon (19)

Publié le 11 mai 2011 par Mazet

L’incroyable destin de Clarisse Manzon  ; L’infâme lieutenant.

Lorsque nous nous retrouvâmes dans la rue, je ressentis l’étrange impression que tous les regards convergeaient vers nous. Le visage de Clarisse s’était assombri.

   - J’ai peur Monsieur Alvergnat, peur que cette histoire n’ait jamais de fin.

Lorsque je la quittai, après avoir, sur son insistance, pris une tasse de thé, je m’aperçus que ses yeux étaient mouillés de larmes. Nos lèvres s’effleurèrent. Je regagnai la librairie tourmenté et inquiet. Cette femme vivait des tourments. Avait-elle été réellement dans la maison Bancal ? Le doute commençait à m’envahir. Blaise m’attendait sur le pas de la porte. Il avait l’air visiblement préoccupé.

   - Entre, inutile qu’on discute dehors ! Déjà, tout Rodez parle de toi !

Nous nous installâmes une fois de plus dans la cuisine.

   - Inutile de vous inquiéter, Blaise. Clarisse a clairement nié se trouver dans la maison Bancal, le soir de la tuerie.

   - Et tu penses que le procureur l’a crue ?

Je ne répondis pas. Comment tout ceci serait-il arrivé aux oreilles du lieutenant Clémendot ? Je n’eus guère le temps d’approfondir mes réflexions. Il me fallait rédiger mon article hebdomadaire. Je me trouvais pris dans de vrais tourments. Envoyé comme observateur de l’affaire, j’en devenais acteur. A deux heures du matin, je réussis à y mettre un point final. Je m’en étais tenu à un strict récit des faits, me gardant bien d’évoquer mon rôle. J’étais même parvenu à ne pas évoquer le nom de Clarisse Manzon. Après une nuit peuplée de cauchemars, je rejoignis Blaise, déjà occupé à son classement.

   - Tu te réveilles trop tard Gilbert, ta dulcinée est passée.

   - Vous auriez pu me réveiller !

   - Elle s’y est farouchement opposée.

Elle m’a seulement indiqué qu’elle avait reçu une seconde sommation du tribunal pour y être confrontée avec le lieutenant Clémendot. Je sentis monter en moi un sentiment de haine contre cet homme. Sans prendre le temps d’avaler même un morceau de pain, je filais chez Clarisse. Elle s’en allait seule en direction du tribunal. Lorsque je l’interpellais, elle me lança un regard humide, désespéré.

   - Vous êtes là mon ami ? Quel soulagement ! Accompagnez-moi encore une fois, je dois encore me justifier.

Une nouvelle fois, le procureur se montra bon prince et accepta que j’assiste à l’interrogatoire.  Lorsque nous fûmes introduits dans le bureau du procureur, l’infâme lieutenant était là, assis, le regard narquois. C’en fut trop pour Clarisse, qui devint soudain si pâle que je la vis proche de l’évanouissement.  Finalement, elle parvint à se ressaisir et lança à son ancien amant des éclairs de haine. Le procureur invita ce dernier à dire ce qu’il savait de la confession de Madame Manzon. C’est avec un air de délice qu’il récita la fable de sa maitresse. A ces mots, l’infortunée Clarisse éclata en sanglots. Puis elle opposa de farouches dénégations entrecoupées d’invectives et soutint qu’elle n’avait jamais imaginé de pareil roman. Le lieutenant Clémendot maintint ses affirmations. Constant était embarrassé, car d’un côté, il ne pouvait ignorer le témoignage du lieutenant et d’un autre côté, il ne pouvait décemment mettre la fille du Président du tribunal en prison. En homme prudent, Constant renvoya dos à dos les protagonistes, mais s’empressa d’en informer le préfet d’Estourmel. Celui-ci convoqua le président Enjelran. Je tiens le compte rendu de leur rencontre de la bouche du secrétaire de Monsieur le Préfet. Après l’avoir invité à s’asseoir, et échanger quelques banalités, le comte d’Estourmel s’engagea sur l’affaire Fualdès.

   - Vous n’êtes pas sans savoir, Monsieur le Président, que plusieurs témoignages s’accordent sur la présence d’une femme voilée de noir dans la maison Bancal, lorsque fut assassiné le malheureux procureur.

   - On le dit en effet.

   - Et bien, j’ai le devoir de vous apprendre qu’une personne digne de foi a recueilli sur ce point un témoignage important de la personne concernée.

   - On la connait, mais elle est revenue sur ses affirmations et nous comptons sur votre autorité, Monsieur le Prévôt, pour la convaincre de nous aider à faire toute la lumière sur cette  affreuse affaire.

   - C’est le travail du juge d’instruction.

   - Nous pensons que vous avez plus d’influence que quiconque sur cette femme.

   - Mais encore ? Et qui est- elle donc ?

   - Il s’agit…de Madame Clarisse Manzon


Retour à La Une de Logo Paperblog

Dossier Paperblog

Magazines