Music Society

Publié le 12 mai 2011 par Yelyam

Récit d’un séjour à Athènes – Episode 3

« Il faut, pour être heureux (….), avoir des goûts et des passions, être susceptible d’illusions, car nous devons la plupart de nos plaisirs à l’illusion », écrit Emilie du Châtelet dans son Discours sur le bonheur.

Réagir face à une crise (politique, économique, …) : je ne sais comment faire. J’ai tendance à me voiler un peu la face et à continuer ma vie. Les nouvelles du monde me stressent trop. Mais je me pose continuellement la question quant à savoir si j’ai la bonne attitude ou pas.

J’en suis là de mes réflexions, quand je sonne à la porte d’un immeuble en plein centre d’Athènes, rue Ketna, perpendiculaire à la très commerciale rue Ermou. Je ne sais si c’est l’illusion (voir l’Episode 2) qui aveugle les membres de la radio Music Society, mais assurément ils ont une passion commune : la musique.

Marilou écrit, tout comme moi, pour le site Spotted by locals. Dans l’un des ses articles sur les lieux à ne pas rater à Athènes, elle décrit une petite radio très confidentielle à laquelle elle participe avec une soixantaine d’autres personnes. Ils ont loué un appartement en plein centre ville et se partagent les ondes. Elle donne l’adresse et invite le lecteur qui passerait dans le quartier à sonner… ce que je me suis, bien entendu, empressée de faire. Elle a été agréablement surprise : j’étais la première à avoir osé répondre à cette « invitation ».            

        

Comme l’indique le nom de leur station, les émissions sont centrées uniquement autour de la musique. Aucune émission politique, de société, d’informations. Tout au plus l’animateur raconte, entre deux chansons, une anecdote sur sa vie ou l’un de ses voyages.

Je demande à Marilou sur quelle base elle choisit les morceaux qu’elle décide de diffuser : elle m’explique qu’elle se raconte une histoire et tente d’imaginer la musique qui en ferait la bande son la plus appropriée. Elle n’a pas de style musical préféré. Tout ce qui la motive c’est le pur plaisir de faire de la radio, partager ses découvertes.

Avant d’être invitée à participer à Music Society, elle animait déjà une émission dans une autre station et n’avait aucune intention de la quitter. Son correspondant a quand même insisté pour qu’elle passe à l’appartement les rencontrer. Ce qu’elle a fait. A son arrivée, tous étaient assis par terre dans le living et écoutaient de la musique expérimentale japonaise. Elle a pensé « ces gens sont fous », y a reconnu un peu de sa propre folie et les a rejoint avec enthousiasme.

J’ai un peu discuté, en français, avec Lida, une des autres participantes présentes ce jour-là. Nous sommes installées sur les canapés du salon. L’appartement est chaleureux, coloré, spacieux. Il donne une image moderne, passionnée, de ceux qui l’occupent quelques heures par semaine. Pour obtenir ce résultat, chacun des animateurs paye cinquante euros par mois pour le loyer et l’ensemble des charges. 

Ils réfléchissent également à une stratégie de communication afin de se faire connaître. Leur radio est diffusée sur le web, ce qui leur permet de consulter les statistiques d’auditeurs : au moment de ma visite, neuf personnes sont en ligne…

Avant mon départ, nous échangeons encore quelques mots sur Athènes, les évènements récents à Exarcheia (plusieurs cas de brutalités policières). Marilou me surprend en comparant la situation avec celle du film de Mathieu Kassovitz, La Haine. Le cinéma français est une autre de ses passions…

Elle ne semble pas naïve face aux évènements, mais elle consacre son énergie à ce qu’elle aime et non à ce qui l’inquiète. Et il me semble qu’elle a l’air heureux….

Mer Egée, 3 avril 2011