Rappel : Souvent, à cette heure-ci, nous vivons des choses bien particulières : on partage un verre avec des amis, on lit un bon bouquin avant d’aller dormir, on file faire la fête jusqu’au jour, on est avec celui ou celle que l’on aime, parfois même on travaille. Cette rubrique s’intéresse à ce que vous faites à minuit, chez vous, dehors, dans votre vie. Qu’écoutez-vous quand vient minuit, pourquoi, comment ?
D’ordinaire je dors peu (Si tu as peur du sommeil / Et que passe le temps).
A minuit donc j’en suis à peine aux apéritifs musicaux, prête à aller faire la fête, écouter Pantha du Prince ou A. Rebotini ; ou plus calmement je me délecte d’un Aufgang dans le salon (Besoin d’musique pour s’évader besoin d’vrais artistes / Besoin d’adrénaline, virées nocturnes, toutes les timpes font les mêmes tarifs).
Mais ici non.
Expatriée – on perd souvent [m]a trace dès qu’arrive le printemps – depuis plus d’un mois en Suède – les hivers tout blanc, je suis devenue une marmotte de première catégorie. Il parait qu’il y a un trou dans la couche d’ozone ici, que ça fatigue… Du coup à 21h30 je tombe de fatigue – Tu vis pas dans la même matrice, ta place c’est dans un canapé.
Et quand il m’arrive de les rouvrir vers minuit, j’écoute mon baladeur pour ne réveiller personne (parce qu’en fait tout le monde dors ici, les Dj finissent de mixer à 1h…). Et parfois, j’ai le malheur de tomber sur Ton Héritage de Benjamin Biolay.
Dès les premiers accords je sais que c’est foutu. Soudain les souvenirs m’explosent les synapses et tout le monde me manque :
Les villes (Si tu préfères Paris quand vient l’orage ; les ruelles de l’Italie et les pas des passants), la famille (Si tu ne fleuris pas les tombes mais chéris les absents ; Si tu aimes la marée basse), les amis (Le soleil sur la terrasse, les goûts amers, les derniers verres, presque jamais le son d’une voix, un visage, Si tu veux tes amis près de toi, tout le temps), ma solitude entourée des miens (Les soirs de pluie, Prendre un bain de minuit, Si tu parles à ton ombre de temps en temps).
Et – c’est là lecteur que tu te demandes si tu vas continuer à lire un pareil ramassis d’âneries – allez savoir pourquoi, mais je ne peux pas m’empêcher de penser à Orelsan.
Et j’imagine le(s) dialogue(s), et je me marre, et je me rendors avec aux lèvres le sourire sarcastique de ma génération. C’est dur la vie mais qu’est-ce que c’est bon !
J’me perd entre ce qu’ils attendent de moi et c’que j’suis vraiment
Tous les jours j’fais l’acteur…
J’fais semblant
J’maquille la peur en plaisantant.
Qui poussent un dernier cri
Crie, mon enfant
J’perds mon temps à m’poser des questions au lieu d’agir
J’ai peur de la dépression, j’ai peur de l’avenir et ses déceptions
Plus j’grandis, plus le temps passe et plus j’suis déçu
Sous l’emprise des angoisses des futurs blessures
Plus j’me cherche des excuses, plus je m’enlise
Je m’enivre de négativité, et j’me sens vivre
Souvent, j’ai peur de l’ennui.
Si tu n’es qu’une pierre qui roule
Roule, mon enfant
J’ai peur d’avoir aucune raison d’me plaindre
Pourtant j’me sens triste tout le temps, j’me sens vide
J’ai peur d’être normal, d’être moyen, ni trop mal ni trop bien
J’crois que j’sers à rien…
Si tu as peur du vide
Vide, mon enfant
J’ai peur de mes proches parce qu’ils connaissent mes faiblesses
Mes talons d’Achille, ils savent à quel point mes fondations sont fragiles
Ils m’font confiance pour l’instant
Mais quand je les décevrais, ils seront près de moi, prêt à frapper les premiers
J’ai peur que mes parents m’détestent
Depuis que j’ai treize ans j’régresse
J’les blesse, j’les stress, j’délaisse c’qu’ils m’ont appris pour faire que d’la merde.
Si la vie te dépasse
Passe, mon enfant
Ça n’est pas ta faute
C’est ton héritage
Et ce sera pire encore
Quand tu auras mon âge
Qu’est-ce qu’on s’en branle du futur quand on comprend pas l’présent ?
C’est pour les gens différents, les déviants, les feignants
Ça n’est pas ta faute
C’est ta chair, ton sang
Il va falloir faire avec
On sait même pas ce qu’on cherche vraiment
Ceux dont les neurones se court-circuitent, quand self-défense rime avec courir vite
Ou, plutôt sans.
La musique de Minuit par VioletteROLL
En fait, Violette (je n’ai pas l’habitude de l’appeler comme ça) me fait souvent penser à cette chanson de Bashung. Parce qu’elle est libre. Elle fait ce qu’elle veut, un peu comme l’air. Virulente, intense, et convaincue, rien ne l’arrête. Violette est une bouffée d’air frais qui arrive comme elle repart. Même si elle essaie en ce moment de se persuader qu’elle n’a d’attaches nulle part, je suis sûr qu’on lui manque de loin, là où il fait froid.