Paris carnet de la patience 25
Hier soir, j’ai vu D. à "son" bar, La Pistache. On a bu de la bière. Des panachés. Des "Picon bière". E. s’est assise à notre table. Fraîche. Pommettes carmin. Elle rentrait du travail. D’abord en tailleur, elle est allée se changer. Elle est revenue en jeans, mais avait conservé son décolleté.
Elle se présente. Elle est assistante de direction dans une agence immobilière qui est spécialisée dans les objets de standing. Elle nous apprend qu’une partie du 9e est devenue très demandée aujourd’hui. Entre autres, elle a vu l’appartement de Kenzo, après qu’il a été vidé et son mobilier vendu aux enchères. Elle fait de la photo pour "se compléter".
Comme on se présente plutôt comme des artistes, elle veut savoir ce que j’écris, tout en m’avouant ne lire que très rarement, pour sa part. Je dis: "Un roman familial." Comme j’enchaîne sur la Sicile, elle me parle du Berry, me demande si je connais. Je dis: "Non." Elle me rappelle que c’est un ancien Pays. La culture s’y veut encore spécifique. Donc, voilà: elle est berrichonne. (Ce qui sonne juste: elle est bien en chair.)
Plus tard, elle me dit qu’elle aime parler aux gens pour "se découvrir". Il faut parler, s’expliquer, alors on se rejoint. Je lui dis que, d’après moi, on ne peut jamais se rejoindre. En vérité, je n’en sais rien – je prends la pose. (Je pense à Pirandello, à la cassure entre ce qu’on croit savoir de soi-même et ce que les autres croient savoir de vous. Évidemment, je ne dis rien de Pirandello. Je suis assez clerc comme ça.)
Elle a une poitrine avantageuse. Elle le sait. Elle sait que les hommes aimeraient lui toucher les seins. Quand elle va se repoudrer le nez (en fait, elle a dit "je vais pisser"), D. se lâche et clame: "Hmm… J’ai envie de lui sucer les seins!" Plus tard encore, sur proposition de D., elle ira jusqu'à se les peloter lascivement.
Mais D. reçoit un appel sur son portable. Il répond, se lève et s’éloigne.
Moi, je suis resté un peu béant.
E. m'a dit: "Salut!" Et puis, elle est partie.
par Filippo