Mes doigts (extrait)
Mes doigts, touchez mon front et cherchez, là,
Les vers qui rongeront, un jour, de leur morsure,
Mes chairs ; touchez mon front, mes maigres doigts, voilà
Que mes veines déjà, comme une meurtrissure
Bleuâtre, étrangement, en font le tour, mes las
Et pauvres doigts - et que vos longs ongles malades
Battent, sinistrement, sur mes tempes, un glas,
Un pauvre glas, mes lents et mornes doigts !
Emile Verhaeren est un poète belge qu'on nous faisait apprendre par coeur à l'école (lui et Albert Samain, je ne sais pas pourquoi, mais les instits devaient avoir une fascination pour les poètes symbolistes... le genre de poésie qu'on ne peut pas apprécier pleinement à 10 ans et qu'on vous force tout de même à ingurgiter, ce qui est bien dommage)
Théo Van Rysselberghe est un peintre belge, principal représentant du pointillisme en Belgique. Ami de Paul Signac, admirateur de Seurat et intime de Verhaeren.
Ici, on voit donc le poète en train de faire une lecture à un auditoire exclusivement masculin. Tous sont connus, tous sont des artistes, et tous vois en Verhaeren un grand poète, un maître peut-être...
On y trouve des auteurs comme Maeterlink (dont j'ai parlé ici), Gide (notre cher Dédé), Francis Viélé-Griffin et Henri Ghéon, mais également, le philosophe des sciences Félix Le Dantec, le peintre pointilliste Henri-Edmond Cross et le critique littéraire et artistique Félix Fénéon qui ne se trompait jamais contrairement à d'autres qui avaient le goût sur (sans accent, et ce n'est pas une faute !)
Ce genre de rassemblement fait penser à de nombreux tableaux "hommages" qui regroupent des artistes venant honorer le génie d'une supérieur. Bon dans l'hommage à Delacroix, ce dernier est mort... et le peintre (Fantin-Latour) est sur le tableau.
Et dans l'Hommage à Cézanne de mon très cher Maurice Denis, ça reste une majorité de peintres (qui est un hommage à Cézanne ET à Gauguin ET à Renoir ET à Redon... une véritable filiation !)
Mais un peintre fait des toiles, les images restent... un poète dit ses vers, les mots s'envolent. Il fallait donc un poète vivant. Et bon c'est toujours mieux de reconnaître le génie d'un artiste de son vivant plutôt qu'après sa mort !