D’abord, c’est une banlieue qui n’en finit pas, avec des tours d’habitation, très hautes, très serrées. Ne serait le style des constructions, on pourrait se croire n’importe où en Europe ou en Amérique. Mais on est en Chine, dans le train qui mène de Guangzhou à Hong-Kong. La végétation rappelle où l’on est, avec des bananiers un peu partout. Et puis, il y a ces montagnes qui se dressent, des rochers pourrait-on dire. Ils sont couverts d’une forêt qui, de loin, paraît épaisse et devait recouvrir toute la région en des temps très reculés. On n’est jamais vraiment hors d’une ville pourtant on traverse aussi quelques champs, quelques vergers bien qu’il soit presque impossible de reconnaître les cultures, à part bien entendu les bananiers.
Le train ne roule pas très vite. Les cités défilent, régulièrement une tour surgit. Des usines crachent des fumées dont on préfère ignorer la couleur et aussi le contenu… On comprend mieux pourquoi Guangzhou est le plus souvent enveloppée d’une brume dont on préfère, pour elle aussi, ignorer la nature. Nous traversons une ville aux immeubles noircis, j’aperçois un convoi fluvial, une barge chargée de sable si semblable aux nôtres, en passant sur un pont. Je devine les rues, assommées par la chaleur, d’une petite ville dont j’ignore le nom. Des immeubles, toujours très serrés, des usines, et des arbres. Tout défile.
Je ne suis bizarrement guère dépaysé, peut-être grâce aux hautes cheminées de brique rouge, qui, ici, continuent de relâcher les fumées pour lesquelles on les a construites. Les usines, parfois immenses, et les tours d’habitation se succèdent. Et puis, le long de la voie, je remarque des containers, des portiques aussi pour les manipuler. Ce qu’on fabrique ici part aux quatre coins du monde. Et de nouveau, voici une ville : dans la gare je lis Dongguang. Tiens, le train s’arrête. Je croyais pourtant qu’il était direct. Il est étrange de voir les panneaux du contrôle aux frontières : nous sommes en Chine mais cette voie ferrée vers Hong-Kong est déjà soumise à une administration spécifique. Le stationnement en gare semble s’éterniser, mais j’ai pris un train plus tôt que prévu et j’ai plusieurs heures entre l’arrivée du train et le départ de mon avion vers Paris. Le train repart. Les immeubles qui longent la voie ont pris la couleur de la rouille des grilles que l’on met aux fenêtres.
Nous sommes maintenant dans une zone plus vallonnée et des montagnes vertes nous entourent. Entre elles, les tours, les usines, les villes continuent
Je somnole, j’ouvre l’œil pour découvrir de nouvelles cultures que je suis toujours incapable d’identifier Et des villes aux façades d’immeubles toujours aussi sales…Une cour d’école, des usines, les rues étroites d’une ville. Le train est plus ou moins climatisé mais avec la chaleur qu’il fait au dehors, on imagine l’intérieur des ateliers.
Voilà plus d’une heure que nous roulons, quelques montagnes plus imposantes se dessinent à l’horizon. Nous traversons encore une autre ville aux immeubles aussi hauts que serrés les uns contre les autres. Mais sommes nous jamais vraiment sorti de cette zone urbaine ? Un autre mur d’immeubles apparaît sur la gauche du train. Je jette un œil à droite pour constater que c’est à peu près pareil. Sommes nous déjà entrés dans la région à juridiction spéciale de Hong-Kong ? Difficile de le savoir. Une inscription dans la gare traversée me renseigne : « Shenzhen Railway Station ». Non, nous ne sommes pas arrivés. Ce train est un tortillard. Il me semble deviner sur une crête la marque d’un frontière : oui, nous somme entrés dans ce qui fut, il n’y a pas si longtemps un territoire britannique. Effectivement, les véhicules que l’on aperçoit maintenant portent des plaques assez familières. Le train roule de plus en plus lentement. Nous approchons de notre destination : cette fois, nous y sommes et les autobus à impériale m’indiquent que le doute n’est pas possible, c’est Hong-Kong et les gares que nous traversons ont une touche presque londonienne ! Mais la végétation toujours exubérante sur les montagnes que nous longeons rappelle où nous sommes. J’ai toujours cru que Hong-Kong était une sorte de Gibraltar chinois, un simple rocher isolé où l’on avait construit une ville mais je me rend compte que la colonie était un territoire bien plus grand, même si une bonne partie, à cause du relief, n’est pas propice à la construction. Nous ne sommes pas encore à Kowloon ! Et je pense que je dois aller à l’aéroport pour attraper mon vol vers Paris. J’ai tout le temps, même dans cette ville inconnue : j’ai six heures devant moi dont je ne sais guère quoi faire, d’autant que je suis encombré de ma valise. Cette fois, la mer est sur la gauche du train, du moins la baie, ce que je vois ressemble plus à l’idée que je me faisais de cet endroit : des immeubles à flanc de montagne, et cette montagne couverte de végétation qui domine la ville.
C’est incroyable ce que ce train grince ! Voilà des kilomètres que nous sommes au ralenti, mais l’arrivée ne peut plus tarder. D’ailleurs, des gens commencent à s’agiter, sans doute les habitués qui savent à peu près où nous sommes. Bon, au moins ici tout est indiqué en anglais en plus du chinois, il sera donc plus facile pour moi de m’y retrouver.