Le silence jouissif de Sarkozy sur DSK

Publié le 22 mai 2011 par Trinity

Dominique Strauss-Kahn

STRATÉGIE POLITIQUE

22/05/2011 à 10h07 - mis à jour le 22/05/2011 à 16h56

Nicolas Sarkozy et Dominique Strauss-Kahn, au palais de l'Elysée, à Paris, le 17/11/2010. | MAXPPP

Dès la déflagration de l’affaire DSK, Nicolas Sarkozy a compris une chose politique essentielle : ne pas intervenir, ne rien dire et laisser la nature suivre ses mécanismes. A peine a-t-il permis à ses hommes des déclarations de commisération à l’encontre du destin d’un homme dont la chute, en termes de violences, fut proportionnelle aux cimes qu’il taquinait déjà.

C’est ce qui explique qu’alors que son premier cercle affûtait les arguments et les boules puantes enduites de sexe et d’argent pour tirer sur DSK dès que ce dernier se déclare aux primaires socialistes, tout fut arrêté net. Les mésaventures de New York du favori des sondages des Français, du challenger le plus dangereux de Nicolas Sarkozy pour 2012, invalidaient brusquement cette offensive.

De la chute de DSK, Nicolas Sarkozy tire d’énormes bénéfices. Le premier est physique. Il voit disparaître du radar de la compétition un des hommes qui le battait à plate couture dans toutes les positions. DSK, ex-roi des sondages, écrasait de sa suprématie, un président sortant englué dans le désamour des Français malgré des tentatives effrénées de reconquête.

Le second est psychologique. La façon dont DSK, icône socialiste est tombée, relativise beaucoup les attaques de la gauche contre le déficit moral de la gouvernance de Nicolas Sarkozy. En plus du bilan économique jugé désastreux par la gauche de Nicolas Sarkozy, les socialistes comptaient porter le fer sur un président « ami des riches » qui avait fait du cynisme froid et des dénis à répétition son code de conduite. Sans parler de la sulfureuse parenthèse Bling Bling suivie d’une riche séquence de vulgarité politique et de grossièreté verbale qui avait fait de Nicolas Sarkozy le président le plus sanguin de la république.

La troisième est politique. Avec l’élimination de DSK, l’homme qui pouvait cimenter ce kit gagnant autour duquel les socialistes pouvaient laisser de côté leurs égos et leur rancoeurs, le PS se retrouve presque au départ du processus. Les primaires qui devaient être une simple formalité avec DSK vont se transformer en une vraie arène de combat entre coqs socialistes. Ces derniers avaient habitué leur monde à ce que rien de positif ne sort de leurs sanglants affrontements.

Nicolas Sarkozy, au lieu d’être sur la défensive à défendre son bilan pour reconduire son bail, prendra un malin plaisir à exciter la discorde entre prétendants socialistes. Le terrain de la manœuvre se jouera entre une Martine Aubry dont la disparition de DSK lui redonne toutes les légitimités à concourir, un François Hollande qui commence à croire dur comme fer en sa Baraka, un Laurent Fabius qui n’a jamais oublié qu’il pourrait avoir la stature d’un présidentiable et une Ségolène Royal, plus déterminée que jamais à solder son échec de 2007.

Avec la chute de DSK, le ciel de Nicolas Sarkozy s’est subitement éclairci. Sa réélection n’est plus cette performance impossible à atteindre sous peine d’accomplir un miracle. Son silence jouissif sur l’affaire DSK en disait long sur l’excitation souterraine qui s’est emparée d’une famille politique déjà désemparée par les sondages et par leurs sombres perspectives. En l’absence de DSK et de la pression qu’il mettait sur le locataire de l’Elysée, Nicolas Sarkozy a tout loisir de dérouler sa communication de reconquête et prouver aux Français que la camp d’en face n’a pas encore secrété une alternative crédible.

Mustapha Tossa

Paru dans ALM du 23/05/2011