Pour la majorité des gens un tel printemps est un vrai bonheur. on ne peut rêver mieux. Il faut bien être paysan pour demander la pluie. Moi aussi, au début je trouvais ce temps plutôt agréable et même très favorable pour mon travail. Je n’avais jamais remis les animaux au pré si tôt. Les bêtes avaient regagné les prés dès la fin février pour les premières puis progressivement en mars pour les autres. Au 1er avril les étables étaient pratiquement vides alors qu’ habituellement le gros de la troupe ne sort guère qu’au 10, voire 15 avril.
Mais cette joie printanière a doucement fait place à l’inquiétude puis tourné au cauchemar. On ne parle plus que du manque d’eau, de l’absence de pluie depuis mars. Heureusement qu’il avait beaucoup plu fin décembre pour recharger les sources. Les crues que je maudissais alors, ont été en fait bien bénéfiques.
D’autres éléments climatiques à prendre en compte nous ont amenés à cette situation de disette. Les gelées ont été très fréquentes en avril et même début mai, les dernières datant du 14 mai. Même s’il y avait encore de l’humidité dans le sol,le froid a arrêté net la pousse de l’herbe. Les vents de nord, nord-est, est, (le vent des Rameaux) conjugués à ce froid ont fait beaucoup de mal aux pâturages. Ensuite le soleil, les chaleurs inhabituelles à cette saison, ont pris le relais et achevé le travail. L’herbe se flétrit, jaunit, crève sur pied dans les terres plus sablonneuses de bord de rivière. Je ne vais plus dans les prés les après-midi tellement c’est déprimant. Le soleil que j’apprécie tant d’habitude est devenu mon ennemi.
Même si j’ai déjà connu des années de sécheresse remarquables, difficiles, je me retrouve devant une situation inédite. Je n’ai plus ou presque de fourrage engrangé. Les animaux n’ont pas encore trop souffert, il reste encore un peu d’herbe semi-sèche. Rien à voir avec un mois de mai normal. C’est pendant ce mois, mois de la « pousse »que le stock d’herbe à paître et de futur foin se constitue et cette année c’est bien maigre. Je ne vois aucun foin pousser. Comme d’habitude j’ai fait pâturer mes prés de fauche et enlevé les animaux début mai. Et depuis,rien. L’engrais destiné à faire foisonner le foin est resté dans les sacs sous le hangar.. Sans pluie il n’est d’aucune efficacité.
Les céréales, je n’ose en parler. Elles sont à Croix de Roche, en haut de la colline où les terres sont séchantes ,convenant bien mieux en années humides. L’avoine de printemps est d’ores et déjà fichue et le triticale ne vaut guère mieux. J’envisage fortement de le faucher et de le mettre en balles sous plastique. Cela pourra toujours faire un aliment de secours.
En résumé: l’herbe, plus guère. Le foin, pas ou très peu; peut-être quelques balles dans 3,5 hectares qui n’ont pas été broutés. Les céréales, il faut oublier. Les stocks,au plus bas, 50 balles foin et paille confondus.
Voyez que la situation n’est pas brillante, décourageante. Je n’ai jamais été confronté à un tel problème et le pire c’est que je n’ai pas de solution. A cette époque de l’année le fourrage grossier pourtant indispensable aux ruminants est introuvable. Si on en trouve, le prix prohibitif est très dissuasif. La solidarité paysanne, un mythe, je crois. Il faut attendre l’été, la moisson; Encore faut-il que les animaux tiennent jusque là! après on verra.
Pour l’instant la première mesure que j’ai prise est d’avoir vendu un maximum d’animaux. J’ai même anticipé les ventes sur certaines catégories. Je n’ai gardé que les vaches suitées, les taureaux et des génisses de remplacement. Le chargement à l’hectare est allégé au maximum.
Il me reste un faible espoir. Nous ne sommes qu’en mai. Si des pluies conséquentes arrivaient bientôt je pense que je pourrais limiter les dégâts, peut-être pas pour les céréales mais pour l’herbe et le foin. De toute façon c’est une année qui va coûter très cher.
Les anciens disent que « la Pentecôte met les foins ou bien les ôte » J’espère qu’elle les mettra en inversant cette tendance météorologique et nous procurant un temps plus favorable. En attendant il m’arrive de rêver de pluie.
A ceux qui détestent la pluie et que j’énerve en la réclamant je leur dis « n’oubliez pas que l’eau c’est la vie »
A bientôt