Cela fait maintenant plusieurs années que je vais en Chine et à chaque fois, je me demande en quoi ce pays est communiste. Certes, le président Mao est toujours en effigie sur les billets et certes il est toujours écrit République Populaire mais dans la vie courante, on a bien du mal à s’imaginer ailleurs que dans un pays livré à la société de consommation.
En Chine comme ailleurs, de gigantesques centres commerciaux ont fleuri et les enseignes lumineuses vantent des marques que l’on trouve, au moins pour certaines, aussi bien à Paris qu’à New York. Mieux, on trouvera facilement, sous ces mêmes marques, des copies à bon marché qu’on n’est bien sûr pas obligé d’acheter mais qui sont très révélatrices de cette mondialisation de la consommation forcenée.
J’ai peu l’occasion d’avoir des contacts avec des représentants de l’administration mais ceux que je croise n’ont pas la rigidité de leurs collègues de feu l’Europe de l’est, ni l’arrogance supérieure de ceux qui arborent un uniforme américain, ni même la lenteur pointilleuse du douanier français. A vrai dire, les seuls moments où la nature du régime politique chinois vient se rappeler, c’est quand je regarde l’organigramme de la société, d’état, avec laquelle je viens discuter, et où le secrétaire du parti est présent et semble important même si on ne le rencontre jamais.
Si je me fie à ce que je vois, aux gens que je rencontre et avec qui je travaille, la Chine communiste n’est ni l’enfer décrit par les irréductibles idéologues de la droite française, ni le paradis promis aux travailleurs. De ce que je ressens, c’est un pays comme les autres. Evidemment, la richesse des villes, la relative aisance de mes interlocuteurs ne reflète pas forcément la situation de tout le monde mais à l’inverse, sur quoi pourrait se fonder un visiteur chinois pour se faire une idée de la France ? Quand je prends le métro à Canton, je suis toujours impressionné par la modernité. Tiens par exemple, le ticket que l’on achète est un jeton doté d’une puce électronique. Le métro lui-même est d’une propreté remarquable et les annonces y sont bilingues. Quant à la technologie… Est-il nécessaire de dire qu’elle est à la pointe de ce qui se fait ? Tout est moderne, tout est vivant. On est loin de la caricature des pays communistes que certains s’obstinent à présenter.
En Chine, on ne risque pas vraiment le contrôle d’identité à chaque coin de rue. Et de toute manière, ce peuple a suffisamment
le sens du commerce pour savoir ce qui est utile et ce qui ne l’est pas. A Canton, on croise beaucoup d’africains qui ont compris depuis belle lurette que c’est là, et non plus en Europe ou même
à Dubaï que l’on peut faire des affaires. Il est bien moins compliqué pour eux de circuler dans les rues de Canton que dans celles de Paris où ils croiseront rapidement le regard suspicieux d’un
policier toujours à la recherche de la petite infraction tellement indispensable à la réalisation de ses objectifs chiffrés.
Cela étant, en cherchant bien, je trouve quelques exemples de pesanteur administrative en Chine. Nos partenaires ont par exemple quelques difficultés lorsqu’il s’agit de voyager et ils doivent passer par une série d’autorisations administratives internes telle qu’il leur faut un bon mois entre le moment où une réunion est envisagée et celui où elle peut être planifiée, et encore, il reste à espérer que le consulat français ne fasse pas preuve d’un zèle inconsidéré. Mais enfin, ces lourdeurs sont elles bien pires que les nôtres ?
Vraiment, cette Chine que je fréquente maintenant depuis plusieurs années est un pays ordinaire. Mon passage par Hong-Kong me l’a encore confirmé car finalement, rien ne distingue vraiment l’ancienne colonie britannique des villes de l’intérieur, sauf bien sûr la circulation des voitures à gauche. Et quelques prouesses architecturales que l’on pourra attribuer autant à l’opulence ancienne qu’à la configuration des lieux. Pour le reste, les enseignes clinquantes de la société de consommation sont omniprésentes, des deux côtés de la frontière qui sépare la Chine officiellement communiste de la région à statut particulier.
En Chine de nos jours, l’entreprise est reine. Et c’est sans doute ce qui la distingue des vieux pays capitalistes où l’on ne produit plus rien, où on s’enrichit surtout par la spéculation. Oui, c’est peut-être en cela que la Chine est communiste : la spéculation immobilière n’y a pas encore pris le pas sur tout le reste. Pourvu que cela dure…
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