Magazine Journal intime

[PLAYLIST] C’est beau une ville, la nuit.

Publié le 26 mai 2011 par Routedenuit

Le visage défait, les bras ballants. Une canette de bière dans la main droite, il traîne son corps lourd vers nulle part. L’épuisement n’existe pas. La fatigue pour rythme de croisière. Son odeur ne le dérange plus, contrairement aux rares passants qu’il croise encore la nuit tombée. Un toit ? Il a ses habitudes, mais cela devient de plus en plus dangereux. Il est trois heures du matin. Il faudrait dormir.

Elle est assise sous le grand pont. Seule. Robe de soirée, talons aiguilles. La soirée fut longue et la nuit sera courte. Où est passé ce type qui l’a amenée ici ? Quand est-il parti ? Elle n’a rien vu. Le pétard et le vin blanc, sûrement. Elle travaille dans six heures. Plus certaine de l’itinéraire. Rentrer à la maison. Appeler un taxi. Payer un taxi, avec quel argent ? On verra sur place, elle n’est plus à ça près.

Promener ce chien. Ce chien dont il n’a jamais vraiment voulu. C’était pour faire plaisir à sa femme. Huit heures. Quatorze heures. Vingt-deux heures. En principe ça suffit. Il ne dort plus depuis longtemps. Alors il promène le chien, plus tard. C’est mieux quand il n’y a personne. Il ne ramasse pas, puisque personne ne regarde quand c’est la nuit.

Elle a froid. Il l’enlace. Ils avancent lentement, ce n’est plus très loin. Ils auraient du venir en voiture. Ce dîner, c’était une mauvaise idée. « Qu’est-ce qu’ils sont cons, tes potes, dis. Et j’aurais vraiment du mettre un collant, merde. » Ils le sauront pour la prochaine fois. « Non mais encore, on aurait bien mangé, je dis pas hein. » Le message est passé. L’appartement n’est plus très loin. « Il fait froid, bordel. »

Un gilet en vinyl blanc. Un short en peau de bonnet de bain et des cuissardes rouges luisantes. Une ceinture à la boucle griffée, légèrement tombée du camion. C’est une caricature. Un personnage de cinéma qui erre sur le trottoir. Les yeux maquillés comme une scène de crime, elle attend. Elle fait des aller-retours. Jusqu’au premier client pour une pipe à cent francs. Dormir ? Sûrement pas.

[PLAYLIST] C’est beau une ville, la nuit.

C’est beau une ville, la nuit. C’est un décor de théâtre que les comédiens auraient déserté. C’est à la fois fantomatique et tranchant. Une ville, la nuit, c’est silencieux – ou alors on entend toujours les mêmes bruits, ceux des voitures, des ambulances et des soulards qui ont pris le pari de rentrer en vélo. Une ville, la nuit, c’est une promesse. C’est l’espoir que le jour se lève et mette fin à cette dictature du vide, de la résonance. Alors ce soir, je vous ai fait une playlist avec des villes. Avec des villes plus ou moins endormies, plus ou moins sulfureuses, plus ou moins éveillées. Le jeu : une ville, un morceau.

C’EST BEAU UNE VILLE, LA NUIT (audible sur Deezer)

1 – The Feelies / Moscow Nights
2The Hundred in the Hands / Dressed in Dresden 
3 – Christophe / Panorama de Berlin 
4 – Saycet / Dreams in Tokyo
5 – Chinese Man / Wahsington Square
6 – Alain Bashung / Bruxelles 
7 – Bruce Springsteen / Streets of Philadelphia
8 – The Cinematic Orchestra / Odessa
9 – Beirut / Nantes
10 – Lady & Bird / Chelsea Burns 
11 – Olöf Arnalds / Madrid 
12 – Dominique A / Valparaiso 
13 – Thomas Dybdahl / One Day You'll Dance For Me New York City
14 – Alex Beaupain / Paris Tokyo Berlin 
15 – Randy Newman / Dayton, Ohio – 1903
16 – Sufjan Stevens / Chicago 
17 – The Blue Nile / Because of Toledo 
18 – An Pierlé and the White Velvet / Paris s'éveille... 


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