# 26 — “puisque c’est écrit qu’après l’enfance c’est quasiment fini”

Publié le 26 mai 2011 par Didier T.

On était partis passer deux jours chez des amis qui ont donné la vie à trois lardons —une princesse de deux ans et une paire de pirates, neuf et six ans.

Un matin, le papa dit:

— "Bon, on va aller au marché."

Je n'aime pas ça, le marché, jamais aimé... trop de monde, trop de bruit, trop de mouvement —autant que possible j’évite les ambiances concentrationnaires, même pacifiques, c’est mon côté Georges Brassens. Et face à la déclamation du père, je vois que ses deux p'tits gars n’ont pas l'air plus emballés que moi à la perspective de se retrouver pendant une heure le nez au niveau des carottes à se faire bousculer par des Bidochon en attendant le moment d’enfin rentrer à la baraque. Alors les petits, je les prends à part et je leur dis:

— "Ahum, on pourrait p’t’être trouver une soluce pour pas aller au marché?"

Sourire de vainqueur du Tour chez ces deux zouaves que je venais de me mettre in the pocket. Bon, s’agissait désormais de ne pas décevoir les espérances, histoire de ne pas finir comme un ‘collectif unitaire’. Alors je vais voir le papa et tout simplement, je lui propose de rester à domicile avec ses fistons pendant que les autres trimballeront leurs paniers au milieu des mémères en ‘robe-éponge à fleurs’ genre tapisserie des années ’5o, braves citoyennes papoteuses/fieleuses qui traînent leurs cabas à roulettes en portant pour certaines au sommet du chef de fières permanentes improbables à ‘reflets argent’ virant au bleu cobalt les jours de trop fort dosage qui leur confère une sacré tronche de Nina Hagen du papiboume, ces géopoliticiennes toujours à se plaindre que ‘la vie augmente’ à cause de l’Europe de Maaaaastrique et de tous ces politicards qui s’en mettent plein les fouilles... râââh, le marché... “y’en a 1oo grammes de plus j’vous l’laisse?”, ahhhhh, la simple éventualité de me retrouver mêlé à cette pièce de théâtre en plein air ça me fout le moral au niveau de l’action Eurotunnel... et pour s’occuper l’esprit dans un tel barnum on n’aurait guère que la possibilité de les visualiser à oilpé avec un concombre où tu penses, ces matrones cancanières, “y’en a cinq centimètres de plus j’vous l’laisse?”. Ces braves femmes ont évidemment le droit de vivre leurs vies, mais de grâce, qu’elles le fassent hors de mon champ de vision. Oui, définitivement, plutôt que d’aller au marché j’aime autant rester à la maison. Et justement, question ‘rester à la maison’ le père me répond qu'il n'a jamais été partisan des mouvements de troupeaux quand existe une alternative, et que donc, évidemment, ça le fait... donc ses deux gniards sont également sauvés pour cette fois. Bouèno, une affaire qui marche à peu de frais, comme je les aime.

À peine les autres ont décollé s’adonner aux joies du marché, les pistolets à eau se retrouvent sur la table et le plus petit commence à remplir l'arrosoir. Hééééé. J'enlève mon ticheurte et c'est parti pour une demi-heure de coboye et zindien dans le jardin, où face à mon souffle court de ‘seul contre deux’ le grand me dit:

— "Faut pas fumer."

Argh!

Plus tard on retourne vers la maison et je dis aux deux morbaques aussi trempés que moi:

— "Bon ben, faut enlever vos chaussures avant de rentrer, pour pas tout salir."

Seulement je n'avais pas vu que le petit marchait pieds nus tout plein de terre. Grands yeux malicieux, il me répond:

— "Ah ben alors moi, faut que j'enlève mes pieds."

Si j’ai un peu tendance à lever le coude c’est peut-être aussi pour oublier... oublier que ça remonte à un sacré paquet d’années, la dernière fois que j’ai pu sérieusement avoir une idée de ce genre, ‘enlever mes pieds avant de rentrer’.

Chaque jour qui passe m’éloigne de ça, et vous aussi.

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