"Je doute, ou plutôt
la conscience-tête n'en finit pas de dire noui ou ouine, tandis que la conscience-corps se dirige toujours dans la même direction et dit oui, oui. Ce qui semble me mouvoir, meut la main qui
écrit, se tient plus dans l'inconnaissance que dans les idées. Comme une énergie qui a son propre vouloir.
J'adhère globalement. Je désire que tout soit vrai. Pas un jour, sans doute une heure ne s'écoulent sans que, en quelque manière, je ne pense aux
choses éternelles. Mais cela aussi m'inquiète. Impossible de fonder quoi que ce soit là-dessus. La critique ne cesse jamais. Je lutte.
Incroyant, je le suis, comme vous, à moins que vous n'ayez cédé à l'illusion de croire que la ligne de partage entre foi et incroyance passe seulement entre les hommes et non
point à l'intérieur de chaque conscience."
" Venant à parler de Dieu, je préfère dire : S'Il existe. .. Le doute ainsi introduit, me semble-t-il, dit la distance, l'humour, une sorte de pudeur, la
non-annexion. On ne le décide pas. Cela est ainsi. Car comment oser dire que je crois, si je ne suis charbon ardent, si je ne monte sur la croix ? Je veux bien que vous vous soûliez de
convictions, mais sachez qu'elles masquent le plaisir de Dieu que vous vous donnez, qui est plaisir à vous-mêmes. Abattre les idoles hors de soi n'est presque rien. Détruire en soi
l'idolâtrie est autrement difficile."
" Chercher à convaincre,
dans l'ordre de la foi : vulgarité et sottise. Est-ce qu'on se bat pour la vérité ? Jamais. On se bat pour des convictions qui en tiennent lieu. Qui aime la vérité cherche seulement à lui
laisser prendre toute la place en lui-même.
Ne désirez pas faire changer d'idées ni convertir quiconque. Soyez ce que vous êtes et l'autre, peut-être, sera conduit à devenir ce qu'il est. Dites d'un ton
vrai ce qui vous meut sans vous occuper des suites."
Jean Sulivan, prêtre ( 1973 - 1980 )