Il y a quelque chose qui m'a dérangé la première fois que j'ai vu ce spot TV pour la chaîne Téva, qui célèbre ses 15 ans d'antenne. J'ai ressenti une contrariété larvée, intérieure, pas vraiment explosive, juste suffisante pour me sentir irrité. Mais je ne me rendais pas exactement compte de ce que c'était. Au début, j'ai pensé que c'était tout bêtement le principe de la "conversion", fantasme supposé des femmes hétérosexuelles qui seraient incapables de supporter qu'un homme résiste aux charmes féminins, et qui souhaiteraient donc ardemment être capables de "convertir" un homosexuel qu'elles convoitent. Fantasme que, pour ma part, je n'ai jamais vérifié dans mon entourage, et qui véhicule cette idée un peu nauséabonde que les homosexuels traversent juste une phase, en attendant de rencontrer une femme qui soit capable de les satisfaire (car l'homosexuel est un homme exigeant) ou simplement en attendant de rencontrer une femme qui accepte de coucher avec eux (car l'homosexuel est un homme moche et émasculé qui se tourne vers les hommes parce qu'il se croit incapable de pécho d'la meuf t'as vu).
C'est bien qu'on en soit là en 2011, à résumer en une bonne boutade pseudo-drôle en forme de spot à sketches les questionnements d'une bonne partie de la population sur la sexualité et le genre. Je ne suis pas plus tatillon ou parano qu'un autre. Évidemment, la bisexualité, cela existe. Ou plus simplement, la rencontre qui remet en question notre vision de l'amour et du sexe, cela peut aussi exister. Mais attribuer ces bouleversements à un prétendu pouvoir de la femme sur un homme forcément incapable de résister à l'appel de l'hétérosexualité, c'est pour le moins maladroit.
Mais en fait ce n'était pas ça, qui me déplaisait.
Nan, en fait c'est un peu plus profond que ça. En l'occurrence, c'est le climat "presse féminine girly t'as vu" de l'ensemble du spot qui me fait un peu fulminer, en fait. Ah, les filles, on les connaît... Capricieuses dès l'enfance, guidées dans la moindre de leurs actions par leur désir d'enfant (objectif principal de vie pour une femme : enfanter ; tu as le droit de faire semblant de briguer une carrière avant, pour t'occuper, si tu veux), incapables de se débrouiller avec une voiture, fortiches pour obtenir tout ce qu'elles veulent d'un battement de cils (d'ailleurs, c'est comme ça qu'elles ont réussi à obtenir l'égalité salariale, non ?) (ah non), elles portent la culotte dans le milieu confiné et privé du logis, ce qui leur offre d'immenses privilèges, tels que choisir la chaîne qu'on regarde à la télé ou décider de ce qu'on mange (vu que ce sont elles qui cuisinent, hein). Tout ça pour dire, apparemment, que "La femme Téva se retrouve dans les animatrices de la chaîne, et les héroïnes de séries: elles s'assument, ne se prennent pas au sérieux, elles ont des convictions, des personnalités, sont rigolotes et sont en même temps fragiles...Pour cette campagne, nous avons choisi 5 femmes qui sont fortes, assument leur rôle, sont inspirantes mais pas écrasantes et arrivent à leur fin avec humour". Euh, on met en scène 5 nanas qui n'agissent que pour "parvenir à une fin", et elles ne sont pas écrasantes ? L'air de rien, ce spot présente les femmes à la va-vite, en résumant leurs "passions" : consommer, faire de bébés, laisser les hommes faire le travail d'homme, vouloir absolument se taper celui qu'elles ne peuvent pas avoir et avoir autorité domestique sur son conjoint, avec pour seule arme de réussite dans la vie... leur charme. Si elles sont cons, c'est pas grave. Et sinon, en dehors d'exiger des trucs et de manipuler ou mettre des hommes à leurs ordres pour les obtenir, elles ont des hobbies sympa dans la vie ? Lire, rigoler avec des amis, aller au cinéma, discuter, débattre, faire du sport, prendre les choses en main sans avoir besoin d'un homme à son secours ? Nan, vraiment ? La femme est juste une manipulatrice sympa face à laquelle l'homme est impuissant ? Oui, je comprends, le pauvre homme aussi... C'est sûrement pour ça qu'il faut lui mettre une burqa sur la gueule, du coup : ça élimine le "pouvoir".
Nan mais il faut bien l'avouer, quoi, les femmes c'est rien que des chipies, et heureusement qu'elles ont des magazines et des chaînes de télé pour les encourager à chasser le girl power dans les rediffs d'Ally McBeal et de Nouveau look pour une nouvelle vie. C'est vrai, le girl power, c'est faire des caprices pour obtenir un jouet (les garçonnets en sont capables aussi, les gars) ou pour monopoliser la télécommande sur le canapé (je ne suis pas une fille, pourtant je le fais, ça doit être mon côté fille, hein), et c'est exiger les choses l'air de rien, en loucedé, en dégainant son combo sourire-décolleté-regard coquin (dommage pour moi, à ce niveau là, j'ai un déficit de décolleté).
Le girl power, femme, c'est ton droit. Être une connasse aussi. Apparemment, ça revient un peu au même. Merci Téva.