La pornographie = les moralisateurs ? CP : Manifestement. C'est un piège parce qu'il accaparent l'espace. D'un côté on ne peut pas dire que la libération sexuelle est une blague, parce que nous sommes submergés par des images de sexualité. On ne serait pas crédible. Mais d'un autre côté, on devine toujours comme une honte autour de la sexualité, venant y compris des consommateurs de pornographie. Par exemple, on continue de censurer la nudité et la sexualité, sans que ça ne choque personne. Il y a comme une contradiction. Mon idée, c'est que, sans s'en rendre compte, la pornographie et les moralisateur travaillent de concert. Ils représentent la même image de la sexualité qui n'a rien à voir avec notre expérience quotidienne. Quand on y réfléchit, ce qui a été libéré, c'est l'idée que les moralisateurs se font de la sexualité et non la sexualité elle-même. La libération sexuelle aurait fait beaucoup plus de bruit. Le problème, c'est encore une fois le capitalisme ? CP : Pas vraiment. Ca ne sert à rien de tout mettre sur le dos du capitalisme. Que les gens veuillent se remplir les poches, tant mieux pour eux. Ca m'est égal. Ce qui est intéressant à noter c'est comment le marché s'organise. Ca respecte les règles du langage dont on parlait. Ces mécanismes consistent à identifier et différentier les choses, par exemple en les nommant. Et l'idée du marché est de tout couvrir, jusqu'à la moindre niche. On pourrait croire qu'on finira par se retrouver dans ce qu'offre le marché et que tout est pour le mieux, mais non. Ces identifications/différenciations sont des pièges, dans la mesure où le désire ne se retrouve pas dans une niche. Même en démultipliant les niches, on ne recouvrira jamais l'étendue et la subtilité de nos désirs. Vous avez donc une opération d'approximation voire de renoncement. C'est pareil avec les partis politiques, vous ne vous y retrouvez jamais vraiment, même si pourtant vous avez l'impression d'avoir le choix. Quelle marge nous reste-t-il ? CP : Je pense que nous devons garder en tête et continuer de dire que cette image de la sexualité, qui conditionne nos perceptions, est moralisatrice et capitaliste, ce qui n'est étonnament pas une contradiction, mais aussi paranoïaque. Nous devons tenir éloignées nos sexualités de cette image et continuer d'inventer notre vocabulaire, notre langage, qui ne peut pas se réduire à une opértion de marché ou de savoir/pouvoir. Nous devons refuser de laisser nos sexualités réduites à des histoires d'images ou de produits capitalistes de divertissement. Surtout, je pense que nous devons retourner la question contre les moralisateurs et les capitalistes. Je pense qu'une société qui prétend poursuivre le bonheur de ses membres – ou peu importe comment on appelle quelque chose qui n'a pas vocation à être utile à la société –ne peut pas dire quel est le problème avec le sexe sans être immédiatement démasquée.
"La libération sexuelle est un piège"
Publié le 04 juin 2011 par DekloLa pornographie = les moralisateurs ? CP : Manifestement. C'est un piège parce qu'il accaparent l'espace. D'un côté on ne peut pas dire que la libération sexuelle est une blague, parce que nous sommes submergés par des images de sexualité. On ne serait pas crédible. Mais d'un autre côté, on devine toujours comme une honte autour de la sexualité, venant y compris des consommateurs de pornographie. Par exemple, on continue de censurer la nudité et la sexualité, sans que ça ne choque personne. Il y a comme une contradiction. Mon idée, c'est que, sans s'en rendre compte, la pornographie et les moralisateur travaillent de concert. Ils représentent la même image de la sexualité qui n'a rien à voir avec notre expérience quotidienne. Quand on y réfléchit, ce qui a été libéré, c'est l'idée que les moralisateurs se font de la sexualité et non la sexualité elle-même. La libération sexuelle aurait fait beaucoup plus de bruit. Le problème, c'est encore une fois le capitalisme ? CP : Pas vraiment. Ca ne sert à rien de tout mettre sur le dos du capitalisme. Que les gens veuillent se remplir les poches, tant mieux pour eux. Ca m'est égal. Ce qui est intéressant à noter c'est comment le marché s'organise. Ca respecte les règles du langage dont on parlait. Ces mécanismes consistent à identifier et différentier les choses, par exemple en les nommant. Et l'idée du marché est de tout couvrir, jusqu'à la moindre niche. On pourrait croire qu'on finira par se retrouver dans ce qu'offre le marché et que tout est pour le mieux, mais non. Ces identifications/différenciations sont des pièges, dans la mesure où le désire ne se retrouve pas dans une niche. Même en démultipliant les niches, on ne recouvrira jamais l'étendue et la subtilité de nos désirs. Vous avez donc une opération d'approximation voire de renoncement. C'est pareil avec les partis politiques, vous ne vous y retrouvez jamais vraiment, même si pourtant vous avez l'impression d'avoir le choix. Quelle marge nous reste-t-il ? CP : Je pense que nous devons garder en tête et continuer de dire que cette image de la sexualité, qui conditionne nos perceptions, est moralisatrice et capitaliste, ce qui n'est étonnament pas une contradiction, mais aussi paranoïaque. Nous devons tenir éloignées nos sexualités de cette image et continuer d'inventer notre vocabulaire, notre langage, qui ne peut pas se réduire à une opértion de marché ou de savoir/pouvoir. Nous devons refuser de laisser nos sexualités réduites à des histoires d'images ou de produits capitalistes de divertissement. Surtout, je pense que nous devons retourner la question contre les moralisateurs et les capitalistes. Je pense qu'une société qui prétend poursuivre le bonheur de ses membres – ou peu importe comment on appelle quelque chose qui n'a pas vocation à être utile à la société –ne peut pas dire quel est le problème avec le sexe sans être immédiatement démasquée.