Dignité et vraie nature - lettre à Grand père

Publié le 06 juin 2011 par Adamante

J’ai le mot facile, Grand père, j’avoue prendre un certain plaisir à la joute, un jeu qui me fait chat parfois, pauvres souris.

Pourquoi devrais-je en avoir honte ?

Je fus bien assez longtemps partagée entre le loup et le mouton, entre ma nature et celle que l’on voulait pour moi.

Pourquoi le loup devrait-il se faire mouton ?

Au nom de quelle morale ?

Cela ne le rendrait pas plus ni moins sympathique, mais stupide certainement.

Vois-tu, Grand père, si je suis plus proche du loup que du mouton, du guerrier que de Pénélope, je sais pouvoir développer ce que j’ai de meilleur en moi tout en respectant ce que je suis et les autres.

Aux yeux de la création, le loup a sa place, au même titre que le mouton, à chacun de se parfaire selon sa nature. C’est un procédé sensé, honnête et bien plus délicat que de cacher son vrai visage derrière un masque, pour répondre à l’impératif de la bonne éducation. J’ai toujours détesté l’hypocrisie.

Je me sens toujours responsable de mes actes et je sais devoir assumer seule cette responsabilité.

Une prière des Indiens Ojiba s’adresse au Grand Esprit en ces termes :

«...Je te demande force et sagesse, non pour être supérieur à mes frères, mais afin de combattre mon plus grand ennemi, moi-même...»

Cette prière est mienne, Grand père.

Se connaître, avancer sans se perdre, est un combat de chaque instant.

Le chemin est long, il est difficile d’apprendre à marcher. Il faut tomber, se relever, recommencer et aussi savoir tendre les bras pour se faire aider lorsque cela est nécessaire.

À travers ma solitude, je tends les bras vers toi, Grand père, et quand je perçois ta chaleur qui m’entoure, tu me rappelles à sourire. Je sais alors que si je suis un loup, toi tu es le grand meneur.

Par toi, j’ai appris le silence et l’oubli, j’ai trouvé le repos. Je peux t’aimer de mieux en mieux et me garder de l’agitation. En t’aimant ainsi, Grand père, outre le monde, je m’aime aussi. Comment pourrais-je ne pas m’aimer, si toi tu m’aimes ?

Il ne m’incombe pas de juger de mes mérites à bénéficier de ton amour, si tu me l’offres c’est que j’en suis digne, tout autre attitude serait mensongère.

Apprendre à se pardonner à soi-même n’est pas facile, mais c’est indispensable pour apprendre à aimer et à atteindre l’oubli de soi afin de n’être plus qu’une émanation de la grande respiration universelle, un souffle simplement rythmé de flux et de reflux.

C’est si calme, si serein, Grand père, d’aimer comme ça, sans rien attendre.

Je ferme les yeux, plus de phrases, plus de mots, juste nous et l’espace qui englobe tous les autres.

 ©Adamante

Cette lettre parce qu'aujourd'hui est un jour clef pour ce manuscrit des "lettres à grand père". J'espère avoir l'occasion de vous en reparler...