Avant de vous parler de la série elle-même, il faut tout d'abord reconnaître à Arte d'avoir été la première chaine à appréhender
le changement chez les téléspectateurs. Pionnière sur le replay (rediffusion sur internet), streaming et VOD, la chaine "intello" s'était faite 2.0 depuis bien longtemps ! A mon sens une
excellente manière de recruter de nouveaux adhérents, bien avant que les grands média ne s'aperçoivent que les jeunes actuels préféraient leur écran d'ordinateurs (de smartphones, d'I-pad..) au
petit écran familial jugé ringard. Mais bon, on n'est pas là pour disserter nouveaux usages du Web !
Ainsi, pour le lancement de Xanadu, les deux premiers épisodes étaient offerts sur internet deux jours avant la diffusion nationale. Puis chaque semaine, après leurs diffusions, les épisodes étaient visionnables pendant une semaine chaque soir à partir de 23h jusqu'à 5h du matin (pour des raisons de protection des spectateurs les plus jeunes). La série s'est achevée il y a deux semaines environ : le DVD est déjà en vente ! Désacraliser le passage TV, donner l'impression de se détacher des taux d'audience, et permettre à ceux qui, comme moi, ont relégué depuis longtemps la TV au placard, de suivre les programmes jugés intéressants, c'est à mon sens avoir tout compris à la diffusion audio-visuelle de ces prochaines années !
Xanadu est donc une série en 8 épisodes, du nom de la société de production de films X, tenue par la famille Valadine. Chaque épisode s'ouvre sur une interview d'Elise Jess, égérie de Xanadu, seule icône jamais tolérée par son mari et fondateur de la société : Alex Valadine. Seulement Elise a disparu depuis 20 ans dans des circonstances obscures, laissant Alex seul avec ses 3 enfants : Laurent, Sarah et Lapo.
Le premier épisode s'ouvre sur les difficultés pour Xanadu de se renouveler. En effet, l'entreprise vit essentiellement sur les ventes et rééditions des films d'Elise, sans réellement proposer de nouveautés depuis une vingtaine d'années. Laurent, qui travaille avec son père à la direction de Xanadu, veut le convaincre de se lancer dans de nouveaux projets. Pour appuyer ses arguments, il a fait revenir sa sœur Sarah du Canada où elle s'y était réfugiée après la disparition de sa mère dont elle rend son père responsable. Sarah a une fille, Marine, adolescente perturbée qui va s'efforcer de percer les secrets de la famille Valadine pour découvrir qui est son père. Lapo, le dernier de la famille, est un artiste tourmenté qui ne quitte jamais ses lunettes noires et tourne de son côté des films porno particuliers.
Si le thème du porno est bien entendu ce qui attire au départ le regard du téléspectateur, le sujet est traité sans complaisance ni voyeurisme. On ne nous le repeint pas non plus en rose : l'arrivée dans ce monde d'un grand nombre de "paumés", la drogue, le sida, la difficile reconversion et surtout l'impossibilité d'effacer son passé.
Mais il me semble surtout important de souligner une chose essentielle chez Xanadu, qui permet de prendre enfin une série française au sérieux, c'est le traitement de l'image, c'est la reconnaissance de l'importance de la lumière. Regardez n'importe quelle série française, policière par exemple, et comparez la à ses homologues américaines. Voyez la différence de lumière, de cadrage. Certes les moyens ne sont pas les mêmes, mais les Français donnent toujours l'impression d'avoir tourné ça sur un coin de rue, avec deux spots et un réflecteur.
Dans Xanadu, on ne nous inonde pas de soleil, loin de là, la plupart des scènes évoquent plutôt la grisaille, mais le grain de
peau des acteurs lors des plans serrés est lissé, sublimé par l'éclairage. Le contour des lèvres, les mouvements du regard, tout y est esthétiquement très soigné. C'est une série qui expose le
corps et qui a pris la mesure de cette exposition.
Puis l'incroyable jeu des acteurs va ensuite captiver tout au long des épisodes.
Jean-Baptiste Malartre incarne un Alex Valadine parfait : un vieillard tyrannique, qui s'accroche au souvenir d'un âge d'or révolu, tout en refusant de voir que les choses changent malgré lui. La voix profonde, le geste précis, j'ai vu l'acteur de théâtre sans faille derrière ce jeu. Un grand chapeau bas pour Monsieur Malartre !
Le rôle de Lapo est lui joué par Swann Arlaud : le rôle masculin le plus fin, le plus délicat peut-être. Joué avec justesse, on glisse sans s'en apercevoir sous les doigts et le regard de ce jeune homme troublé. On bascule avec lui dans sa folie, on a envie de le sauver malgré lui ou de l'accompagner en enfer, bref, on ne peut rester indifférent à la voix de Swann Arlaud, suave et pénétrante. Un grand rôle !
Côté femme, attention les yeux, accrochez-vous ! On démarre très fort avec Nathalie Blanc dans le rôle de Sarah Valadine ! Ce
sera un triple wahouu pour moi ! Cela faisait très très longtemps que je n'avais pas vu quelqu'un jouer avec autant de justesse, se glisser aussi bien dans un rôle sans accrocs, sans qu'on
ressente le jeu derrière. Je me suis sentie comme ces mômes qui croient que l'acteur est vraiment le rôle qu'il joue dans la vraie vie : pour moi, Nathalie était Sarah ! Un tel naturel dans le
jeu me laisse encore sans voix, c'est une très belle performance. Par ailleurs, Nathalie Blanc est d'une rare beauté, ce qui renforce l'incroyable attraction que l'on ressent pour le personnage
de Sarah, à mon sens le plus honnête dans la famille Xanadu, même si la franchise n'est pas la qualité première des Valadine.
Je finirais juste sur les actrices en conseillant aux fans de Vanessa Demouy de se préparer avant de voir l'actrice jouer dans Xanadu : on ne peut être et avoir été, le temps a fait son œuvre et j'ai personnellement été assez indifférente à ce personnage ! Seule sa dernière scène m'a touchée, pour le reste… décevant !
Je vous encourage donc à découvrir sans plus tarder cette série incroyable, où les dialogues sont efficaces, où les silences pèsent lourds, où les gens s'effleurent sans jamais se toucher. Chaque relation dans Xanadu est teintée d'autant de violence que d'amour, comme si la limite entre ces deux sentiments s'effritait à mesure que leur importance grandit.
Une série dont on ne ressort pas indemne… et qui appelle à toute vitesse une saison 2 !