Ca ne m’intéresse pas de savoir prendre le bus seule

Publié le 02 juin 2011 par Lana

Il faut que vous sortiez, que vous fassiez du sport, que vous reportiez vos examens, que vous preniez vos médicaments, que vous rencontriez des gens, etc…

Il faut que… Il faut que… la liste est sans fin. Entre ceux qui veulent nous réduire à notre maladie et ceux (souvent les mêmes) qui veulent faire de nous des gens aux comportements « normaux », on ne sait plus qui écouter, on ne sait même plus ce qu’on veut.

Je crois qu’on vit bien mieux lorsqu’on s’est affranchi des désirs des autres. C’est une évidence pour tout le monde, je sais, mais plus encore quand on est malade, parce que tout le monde veut qu’on aille mieux, et pour le prouver il faut rentrer dans le rang. C’est la meilleure preuve de stabilisation, du moins aux yeux des autres. Vos désirs, on ne les écoute pas trop, vous avez une fâcheuse tendance à sortir du rang et ce n’est pas bon, ni pour vous ni pour l’égo de votre psychiatre.

Un travail, une maison, un mari, des enfants, des activités de groupe, il ne vient à l’idée de personne que peut-être vous n’en avez tout simplement pas envie. Non, c’est juste un symptôme, du retrait social.

Mais moi je vais bien mieux depuis que je ne fais plus toutes sortes de choses par obligation de normalité.

Les mondanités, les fêtes pleine de gens que je ne connais pas, les obligations familiales ou sociales, un mari, des enfants, des activités « pour rencontrer des gens », se lever tôt, eh bien non ça ne m’intéresse pas. J’ai cessé depuis longtemps de me rendre malheureuse parce que je n’ai pas ce que la société présente comme le bonheur, tout simplement parce qu’en réalité je n’en veux pas. Dans une autre vie, peut-être que ça m’aurait convenu, mais il se trouve que cette vie-là n’existe pas et que je suis bien comme je suis. L’image du malheur pour certains peut-être, mais pas pour moi.

Mon meilleur souvenir de l’année dernière est la semaine que j’ai passé chez moi après mon opération de l’appendicite. Je n’ai pas mis un pied dehors. J’ai fait ce que j’aimais, lire, écrire, surfer sur internet, vivre la nuit. Je ne me suis pas ennuyée une seconde. J’ai adoré cette semaine, et que les gens me disaient « alors, tu t’es fait opérer? », je répondais « oui, c’était génial! »

Combien de fois me suis-je sentie mal devant les remarques des psy, sentant leur jugement sur ma vie? Finissant par la déprécier moi-même à travers leurs regards? Mais c’est fini, je me fiche aujourd’hui de ce que pensent et croient voir les autres. J’aime réellement ma vie, lire, écrire, vendre des livres, dépenser tout mon argent en livres, parler avec mes collègues, rentrer chez moi seule le soir, passer les week-end seule, oui j’adore vraiment tout ça, et peu importe si c’est dû à une maladie ou pas.

Et pourquoi devrais-je faire autre chose puisque c’est ça que j’aime? La normalité, la mesure, ça ne m’intéresse pas.

J’ai lu un jour l’histoire d’un autiste qui avait une passion pour les chiffres, mais il n’était pas autonome. On a voulu qu’il progresse, qu’il puisse prendre le bus tout seul, par exemple. Mais ses efforts pour faire ces choses indispensables aux yeux des autres ont diminué ses capacités mathématiques. Il savait prendre le bus seul, mais il était triste, parce qu’il préfèrait les chiffres.

Ca ne m’intéresse pas non plus de savoir prendre le bus seule.

J’aimerais que les psy y pensent avant de dire « il faut que… ». Qu’ils demandent d’abord, « et vous, qu’est-ce que vous voulez? »


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