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Traverser ta rue me fait réaliser que ce n'est plus ta ru...

Publié le 10 juin 2011 par M.
Traverser ta rue me fait réaliser que ce n'est plus ta rue, je me rappelle la vue depuis ton toit et ce gigantesque navire qui émergeait du parterre de cheminées, on aurait dit qu'il rugissait, je te demandais toujours son nom et j'ai chaque fois laissé tomber ce mot dans le ciel si vaste, c'était cette impression de sérénité infinie qu'on attrape à flotter sur une ville noyée, je me rappelle dormir à côté de toi et parfois rire, parfois pleurer, je me souviens t'aimer comme personne ni avant, ni jamais. Je me souviens des codes et des adresses et de combien on s'est déchirés sans jamais réussir à se faire fuir, j'ai souvent envie de me dire, je rentre à la maison, et j'aimerais de temps en temps penser que tu seras encore là pour m'emmerder même s'il ne reste plus rien de ceux que nous avons été, ensemble - vivre ici correspondait à ce futur commun, à cet espoir dont tu avais forcé l'accès pour me garder, c'était la grande promesse de l'amour éternel, crashée, piétinée, haïe puis finalement modulée en cette note plus sage et plus durable que sont les vieux amis, et tu comprends, qui m'écrira des chansons maintenant que t'es parti, qui me dira encore que je suis belle, autant qu'une symphonie de Beethoven, qui me lassera de Bob Dylan et m'embrassera dans l'escalier pour effacer la tristesse causée par l'enfant terrible, qui me serrera assez fort pour que je sente ma colonne vertébrale craquer. Qui effacera ce sentiment mesquin de solitude, si t'es plus là, si l'autre ne me parle pas, si la vie s'accélère jusqu'à me faire pâlir. Au fond je pensais trois ans suffisants pour me faire à ton absence, mais tu n'as jamais été plus loin qu'à quelques rues, depuis le premier jour, et aujourd'hui ce sont des frontières et puis ce silence radio, et je voudrais te dire, mais je ne sais même pas où tu est, je voudrais te dire que tu me manques. Et puis c'est tellement étrange de penser que ce n'est plus jamais ici que tu vas rentrer. Paris désert a maintenant cette lumière cruelle, et je pense à la soeur un peu perdue, destituée, je ne peux pas continuer à risquer ce lien, j'en ai trop besoin.

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