Aller travailler en vélo fait partie de mes petits bonheurs quotidiens.
C'est une sensation de liberté pure que de choisir sa monture à la borne Vélov', .
Enfin, pas cette borne-là parce qu'elle est vide.
Ah ben ni celle-ci car les deux seuls vélos restants sont respectivement désossés et à plat.
Ok, un quart d'heure plus tard, je disais donc que choisir un vélo dans une borne Vélov', et chevaucher ce fidèle destrier était un moment de félicité chaque jour renouvelé.
Enfin, quand je dis "fidèle".
Non mais la selle qui descend toute seule, et qui tourne sur elle même, c'est un peu conceptuel, mais c'est bon pour les abdo latéraux, non ?
Quoi qu'il en soit, une fois lancée, la brise matinale sur ma peau se transforme en grand vent quand j'accentue les coups de pédales, et je me sens comme un cheval sauvage dans le delta camarguais (sauf que je ne
secoue pas ma crinière pour chasser les mouches).
Les détours ne me font pas peur, je privilégie les pistes cyclables pour éviter une mort (très) prématurée. J'assure ainsi ma sécurité, et profite avec enthousiasme du spectacle de la ville qui se réveille, des monuments baignés de la lumière matinale, du réveil de mon corps.
P***** mais c'est qui ce C******* ?
Ah pardon. Un automobiliste vient d'ouvrir sa portière devant moi sans avoir préalablement vérifié que la voie était libre.
MAIS OUI TU N'AS QU'A TOURNER A DROITE EN ME COUPANT LA ROUTE ET MOI JE N'AI QU'A PILER POUR T'EVITER, PAS VRAI ? ET TON RETRO, C'EST POUR FAIRE JOLI ?
Où en étais-je ?
Ah oui. Je respecte les feux, parce que je ne suis pas pressée et parce qu'à ce moment particulier, je me sens citoyenne du monde, pleinement consciente de mes droits et mes devoirs envers la cité, envers mon prochain.
MAIS VA CH***, PROCHAIN DE MES DEUX !
Oups. Un piéton a traversé devant moi, non sans avoir bien vérifié avant qu'aucune voiture n'arrivait. Il faudrait que quelqu'un m'explique comment ils arrivent à fixer intensément la route pendant 2 minutes,
sans JAMAIS voir les vélos arriver.
Bon. Tant pis pour les cons en voiture, et les cons à pieds.
Entre cyclistes, on fait partie d'une communauté solidaire, unie par des liens invisibles. Que voulez vous, le plaisir de se déplacer à vélo, c'est comme un secret que l'on partage entre nous.
Parfois je me retiens de faire des clins d'oeil à mes compagnons de route, histoire de leur signifier ma complicité.
Enfin, sauf celui-là, P***** NON MAIS QUEL DEBILE !
La rue à contresens, carrément !
Ah ben bravo, tu as gagné 50 mètres de trajet, deux secondes de temps de parcours, et en contrepartie tu as à peine mis en danger / retardé / dérangé 50 autres usagers de la route ! Non vraiment, BRAVO.
Finalement, le vélo n'est peut être pas le meilleur moyen d'entretenir l'amour de son prochain, certes.
A ce stade, ce n'est plus Crin-Blanc qui m'inspire, mais Gengis Khan chevauchant dans la steppe mongole, assoiffé de guerres et de sang, certes.
Mais je suis libre comme l'air, grisée par la vitesse et le vent, et presque arrivée.
Enfin, "presque".
La borne Vélov' est pleine.
La voisine aussi.
La suivante itou.
Et là je commence à être un peu paumée.
Et en retard.
Je suis à deux doigts d'abandonner mon vélo ici, à côté d'autres compagnons d'infortune, sans doute eux aussi lâchés par des usagers désespérés, loin de leur borne.
Mais oh, tiens, une place !
Il me suffira alors de marcher un bon quart d'heure pour rejoindre mon travail.
Bilan :
- 15 minutes pour trouver un vélo
- 15 minutes de pédalage en harmonie avec la nature urbaine (=haine, violence, et individualisme)
- 20 minutes pour poser le vélo et rejoindre le bureau
Je ne sais plus trop quel intérêt je trouve à mes trajets en vélo, mais je sais que je le referai ce soir, et demain, et le jour d'après.